Un ensemble de textes d'Eisenstein qui permet de définir une méthodologie de l'analyse de l'œuvre d'art, dans ses rapports au
cinéma et dans le cadre d'une esthétique générale envisagée au croisement de la sémiologie et de l'anthropologie.
Dans les milliers de pages où se déploie la réflexion théorique
et esthétique du réalisateur russe S. M. Eisenstein, l'analyse
d'œuvres d'art et de littérature – venant de tous horizons et de
toutes époques – occupe une place centrale. L'auteur du
Cuirassé
Potemkine et d'
Ivan le Terrible (deux des sept films qu'il acheva,
laissant nombre de projets inaboutis et de films inachevés)
commença par être décorateur et metteur en scène de théâtre
tout en s'adonnant à une intense activité graphique, et il contribua,
au-delà du cinéma, à édifier une esthétique générale qu'il
envisageait au croisement de la sémiologie et de l'anthropologie.
Son enseignement en était nourri, comme les manifestes et les
articles qu'il signa ; mais son ambition dépassait manifestement
ces destinations immédiates pour viser à une compréhension
de la place et du fonctionnement des images dans la culture
contemporaine.
De cette œuvre théorique restée en grande partie
inédite à la mort du cinéaste, nous avons choisi de présenter ici
un ensemble cohérent de textes qui, de la peinture du Greco aux
multiples « Tour Eiffel » de Delaunay, des fresques d'Orozco aux
estampes d'Outamaro, de la sculpture du Bernin à celle de
Rodin et Tatline, de l'architecture du Parthénon à celle de
Le Corbusier, de Delacroix, Géricault à Bourliouk, de Sérov à
Picasso, définissent une méthodologie de l'analyse de l'œuvre d'art
utilisant le cinéma comme « patron » et, inversement, confrontant
celui-ci à une « cinématographie sans cinéma » qui souvent le
dépasse. Cette démarche permet en fin de compte de placer le
spectateur (un corps en mouvement au regard mobile) au centre
de l'analyse, au détriment d'une approche interne de l'œuvre d'art.