Étranges nébuleuses est une nouvelle de science-fiction symbolique et politique, qui propose différents niveaux de lecture à travers ses quatre langues. Ce livre se lit en une, deux ou toutes les langues. Un poster donne des repères topographiques et lexicographiques.
Sur une plateforme flottante, six personnages attendent la livraison d'un fastfood. Un étrange événement les transporte chacun sur sa propre planète. Ces mondes représentent les cas de conscience spécifiques des personnages. Ceux-ci se doivent de se remettre en cause au regard de leurs relations à l'altérité, à l'éthique, aux religions ou à leurs affects... Au cœur de cette mise à l'épreuve, apparaissent les ehiiaya, figurant la mort des êtres victimes d'oppression du passé et du présent. Sous forme de poussières portées par le vent, ces entités contiennent en elles la langue hiiwaa, où le « je » des trois autres langues est absent.
Dans ce livre, chaque langue raconte une histoire parallèle et complémentaire vis-à-vis de chaque autre. Les vécus des entités et des personnages de l'histoire, comme les langues, s'hybrident, se transfèrent à d'autres vécus, à des ancêtres, des mémoires, du sang, des bouts de corps.
« tout se passe très vite. en surface, des humains, du désespoir. en profondeur, une multiplicité : des naissances, des ancêtres, des histoires, des émotions, des envies, des désirs… ostensiblement, les paroles s'atténuent, des chants s'élèvent, de tous les côtés, des vibrations s'entremêlent. le rire est personnage, l'espace d'écoute radical. les humains se morcellent, les ROEs s'envolent. le vent est une révolution.
dans la tourmente, surgissent les ehiiaya et les entités sous l'eau pour affronter l'oppression et refuser la réclusion. pour s'allier aux ehiiaya et les entités sous l'eau, il est essentiel d'éprouver les langues, les lectures et troubler les identités.
car il s'agit de multiplier les interprétations, les possibles et les devenirs afin d'éviter les hostilités et d'embrasser le fait que les différences, les rapports aux autres, impliquent des incompréhensions par lesquels on se confronte à des langages insoupçonnés. l'inconnu n'est pas fatalement adverse.
chaque langue raconte donc une histoire parallèle et complémentaire vis-à-vis de chaque autre. car les langues ne sont pas de simples moyens de communication mais aussi des gestes, des rapports au monde, des courants marins qui n'ont pas l'air de se mélanger et pourtant se touchent constamment. les langues n'appartiennent ni à l'académie, ni au pouvoir législatif, mais bien à chaque entité qui tente d'en extraire des pensées et des désirs. et, comme chaque langue, chaque entité, un vécu n'est ni simple, ni singulier. il s'hybride, se transfère à d'autres vécus, d'autres entités, des ancêtres, des mémoires, du sang, des bouts de corps.
ici aimer ne se conjugue qu'au pluriel. »
Née au Liban en 1993, Rita Elhajj est une artiste qui vit et travaille à Genève. Parmi ses expositions figurent Festival Les Urbaines (Lausanne), CAC-Brétigny (Brétigny sur Orge), Institut du Monde Arabe (Paris) , Haus der elektronischen Künste Basel (Basel), la Rada (Locarno) , LiveInYourHead (Genève), one gee in fog/two gees in eggs (Genève). Son travail se matérialise le plus souvent forme d'installations, pièces sonores, scénographies et performances.