Edito
Pulsion du dessin :
les déplacements du regard
(p. 5)
Dessiner consiste à aller d'un endroit à un autre, dit Vija Celmins. C'est aussi à
maints égards ce qui se produit lorsqu'il s'agit de composer le sommaire d'une
revue. On ne peut que soupçonner, au départ, les destinations de ce voyage.
Des trajets, des lignes se dessinent autant qu'elles s'écrivent dans la présente
livraison de Roven, en regard de la création actuelle, parfois plus ancienne. La
problématique de l'empreinte en particulier y court en filigrane, et dans toute
sa polysémie : quand la surface corporelle se substitue à la page, quand le dessin
reprend pour lui-même la révélation photographique ou qu'il devient un outil
de mémoire pour rendre l'insaisissabilité d'un moment de rêve. Les espaces
que l'on propose ici de traverser répondent parfois à des impulsions. Nous
nous sommes intéressées en particulier à la tentation érotique du dessin, aux
interprétations et aux sensations liées à ce thème, à la pulsion scopique de
l'acte de dessiner comme à l'éveil sensuel que le dessin suscite potentiellement.
Le dossier ouvre un champ d'hypothèses à partir de démarches individuelles
et pour le moins intimes. Cette dimension intimiste n'exclut pas, ailleurs,
l'exploration du collectif, parfois refoulé, au travers de thèmes comme la guerre
ou l'enfance, au moment où une vie nouvelle s'annonce. Ces détours invitent à
différentes formes de l'errance, de migrations, qu'elles soient intérieures ou plus
proprement géographiques. Ils impliquent non seulement le regard, mais aussi le
corps tout entier, ultime point d'arrivée.