Entretien
Boris Achour,
Nicolas Bourriaud
et
Mathieu Mercier
(p. 14-21)
N.B. : Pensez-vous que la densité
du réseau des centres d'art en
France y crée une situation
spécifique, et que cette situation
influe sur votre travail ?
M.M. : Ce qui fait avant tout leur
spécificité, c'est leur décentralisation.
Les artistes, lorsqu'ils sont invités
à exposer, ne pensent pas à la
différence entre un centre d'art, un
Frac, un musée et même une galerie,
ils pensent tout au plus à celle des
moyens techniques et humains.
Une exposition est une responsabilité
qu'il faut mener au bout. Le statut
d'un espace ne change pas le contenu
d'une exposition.
B.A. : Entièrement d'accord avec
ce terme de responsabilité et
l'importance que tu y accordes…
Je conçois mon travail avec le même
engagement quel que soit le lieu où
j'expose, sauf qu'existent bien sûr
des différences logistiques ou de
moyens selon les endroits. Au-delà
de la question de leur densité, les
centres d'art sont l'un des chaînons
d'un maillage, d'un réseau plus
large, aux côtés des galeries,
des Frac, des musées et des lieux
associatifs. De ce point de vue là
encore, je ne fais pas de distinction
entre ces divers lieux car ce qui
m'importe, c'est la relation de travail
avec des personnes, à chaque fois
bien précises, et l'exposition que
cette relation va produire. On a plus
ou moins d'affinités avec tel ou
tel directeur ou curateur, pas avec
une structure.
M.M. : La responsabilité est la même
où que j'expose. L'accès parfois
difficile à ces centres d'art rend les
enjeux différents. Une différence
notable réside dans la manière de
travailler avec des grosses structures
et de nombreux intermédiaires :
on rencontre moins ceux qui
conçoivent la programmation des
expositions. Les centres d'art
ont aussi une indépendance vis-à-vis
du marché, à l'opposé des galeries
privées, qui survivent difficilement
en Régions. Un centre d'art
est dépendant du contexte politique
local. Je me demande s'il existe
des centres d'art qui auraient été
créés par des politiques… Est-ce que
des personnalités politiques
les soutiennent vraiment ? De quelle
manière un centre d'art peut-il les
intéresser ? Je ne crois pas en tout
cas qu'une scène artistique puisse
naître d'une volonté politique.
L'émergence de la scène nantaise
s'est faite à travers les structures
associatives. Une scène ne se nomme
pas en tant que telle, elle est
simplement vivante. À partir du
moment où une volonté politique
fige cette scène – par exemple
l'exposition « Actif/Réactif :
la création vivante à Nantes » en
2000 au Lieu unique –, elle meurt.
La répertorier n'a pas été une bonne
chose, elle s'est trouvée plus divisée
que rassemblée.
N.B. : Auriez-vous des exemples de
centres d'art qui seraient étroitement
liés à une scène locale ?
B.A. : Non, et c'est tant mieux ! C'est
le terme
étroitement qui me semble
dangereux, aussi bien pour les
artistes que pour les centres d'art…
M.M. : On peut dire que les centres
d'art ont une mission première de
soutien aux artistes, mais ce n'est
pas une spécificité. Maintenir la
différence entre Frac et centre d'art
me semble néanmoins important.
Sur l'ensemble des Frac, c'est très
difficile d'en trouver qui ont des
programmations spécifiques ; peutêtre
quatre ou cinq seulement ont
une ligne sur les vingt-deux.
N.B. : Peut-être parce qu'il n'y a pas
toujours de stratégie dans les
acquisitions, même s'il y a souvent
une continuité humaine. J'ai tendance
à penser qu'un centre d'art est
un lieu qui doit évaluer le contexte
au sein duquel il doit opérer et suivre
une idée directrice. Et cela plutôt
que de présenter une scène ou une
actualité – même si, dans certaines
Régions, un centre d'art peut être
l'unique ressource artistique. Tamiser,
opérer des choix. On ne fait pas la
même programmation à Marseille,
où plusieurs lieux coexistent, ou à
Vassivière, où la relation au paysage
constitue le cadre heuristique.
B.A. : Je trouve que ce n'est pas
gênant que les Frac n'aient pas tous
une identité forte, si les centres
d'art jouent ce rôle a contrario. Une
forme de spécialisation existe dans
certains centres d'art, qu'elle découle
de missions spécifiques,
comme à Vassivière, ou de choix de
programmation très circonscrits.
Que ce soit sur le moyen terme
d'un mandat de direction ou sur le
plus long terme de la vie d'un centre
d'art, ce principe d'une ligne
affirmée me paraît le mieux à même
de développer et d'affirmer des
recherches. Maintenant, les enjeux
et les spécificités contextuels ont
également parfois à être pris en
compte.
M.M. : Je préfère travailler avec
des personnalités fortes, c'est plus
enrichissant. Mais ce n'est pas
toujours facile ; les directeurs doivent
défendre en permanence la survie de
leur structure. Quasiment tous
les centres d'art ont à un moment
été confrontés à une menace de
fermeture.
N.B. : Au Palais de Tokyo, ce sont
les directeurs eux-mêmes, c'està-
dire Jérôme Sans et moi-même,
qui ont fixé, à l'origine du projet,
les enjeux de l'institution. Le premier
étant de construire une institution
inscrivant la pluralité dans son
principe – d'où deux directeurs –
et non pas d'élaborer une ligne
artificielle. Paris avait besoin
de cela à ce moment précis, aller
au-delà de la guerre de clans,
faire image. Les enjeux ne sont pas
les mêmes à Dijon, à Nantes
ou à Paris. Mais un centre d'art
se construit dans un contexte,
par rapport à des enjeux locaux
ou internationaux.
M.M. : Il est assez rare d'exposer des
artistes morts dans les centres d'art.
B.A. : C'est vrai. Un contre-exemple
pourrait être la
Villa Arson,
qui présente en ce moment Gino De Dominicis et Gérard Gasiorowski,
deux artistes morts, ainsi qu'une
exposition de Saverio Lucariello.
C'est l'occasion de revisiter ou de
découvrir les travaux des deux
premiers, et de pouvoir les relier à
ceux d'un artiste vivant.
M.M. : Mais, néanmoins, ce n'est pas
le même travail de rassembler des
œuvres existantes et de travailler
avec les artistes pour qu'ils en créent
de nouvelles. Au musée d'Art
moderne de la ville de Paris, où je
prépare actuellement une exposition,
le budget de transport est par
exemple plus important que celui
dédié à la production d'œuvres
nouvelles. Il s'agit d'une exposition
à caractère rétrospectif qui impose
une méthode scientifique plus que
prospective.
N.B. : Dans votre expérience de
travail avec les centres d'art, pointezvous
une fonction qui vous semble
encore sous-évaluée ou sousdéveloppée
? Est-ce qu'il y a quelque
chose qui manque aux centres
d'art dans leur relation aux publics,
par exemple ?
M.M. : Le temps ! J'aimerais un jour
faire une exposition pour laquelle on
travaillerait sur une autre temporalité,
par exemple deux ans de préparation,
avec un dialogue régulier.
N.B. : Au Palais de Tokyo, nous avions
travaillé avec
Matthieu Laurette
sur le projet d'y installer ses réserves,
afin qu'il y travaille en continu depuis
le centre d'art pendant un an, mais
au regard de la complexité même
des modes d'intervention qu'il s'était
fixés, le projet n'a pas abouti ; et
peut-être parce que l'artiste a fini par
le ressentir comme un possible piège.
M.M. : Je parlais d'un temps de
réflexion, d'échange d'idées. La
plupart des expositions sont
réalisées dans l'urgence, et ça, je
ne me l'explique pas, même si elles
supposent déjà une relation forte
et engagée entre le commissaire et
l'artiste.
B.A. : Idem, Mathieu. Le temps
de la discussion et de l'échange est
souvent très réduit, particulièrement
dans les expositions de groupe.
Et c'est vrai entre les artistes euxmêmes
comme entre artistes
et curateurs. Voilà une fonction que
j'aimerais voir développée par les
centres d'art, pas tellement « autour »
des expositions comme c'est
souvent le cas avec des débats,
des rencontres, etc., mais plutôt en
amont ou pendant le montage
des expositions. Et toujours à propos
de cette question temporelle,
j'aimerais trouver, aussi bien en
tant qu'artiste exposant qu'en tant
que spectateur, des rythmes
et des formats temporels différents
de ceux existants. Le format et le
séquençage accrochage/vernissage/
expo-de-deux-mois/décrochage/
et-on-recommence pourraient être
plus souvent repensés.
N.B. : Il y a aussi une question
de confiance : le travail d'un artiste
évolue, il peut connaître des passages
à vide... Le travail peut se révéler
déconnecté par rapport à une nouvelle
configuration intellectuelle…
L'énergie s'émousse… Bref,
cela comporte aussi un risque pour
un directeur ou une directrice
d'institution de s'engager avec
un jeune artiste sur une telle durée.
C'est vrai, ce type de durée est
plutôt réservé aux artistes confirmés.
M.M. : Mes expériences les plus
intéressantes d'expositions sont
lorsque j'ai pu moi-même apprendre
quelque chose de différent sur mon
travail, quand le dialogue a révélé
des idées que je ne pouvais pas voir
moi-même par manque de distance.
N.B. : L'une des fonctions des centres
d'art ne serait-elle donc pas de
permettre de voir cette tache aveugle
dans l'œuvre ?
B.A. : Ça devrait l'être ! Mais, encore
une fois, on en revient à cette notion
de personne plutôt que de structure
ainsi qu'à cette notion de temporalité.
Même si ça vous paraît étonnant,
c'est plutôt avec mes galeristes, avec
qui je suis en contact régulièrement
et sur le long terme, dans un dialogue
permanent, que ce genre d'échanges
arrive le plus fréquemment. Cela se
produit plus rarement avec ceux qui
dirigent les centres d'art, car
les rencontres sont souvent plus
ponctuelles… Ce qui m'intéresse
c'est la rencontre avec des personnes
et la poursuite d'une discussion
sur plusieurs années, peu importe
leur statut.
M.M. : Ce n'est pas ce que j'attends
d'une galerie. On peut aussi parler
des directions que prend l'art face à
son succès médiatique, qui entraîne
des changements notables depuis
une quinzaine d'années. Les centres
d'art ont échappé à ce phénomène.
Ils ne font pas d'acquisitions et
échappent au marché.
Les centres d'art échappent aussi
au phénomène de la multiplication
des intermédiaires : leurs directeurs
sont en contact direct avec les
artistes, contrairement aux musées,
qui travaillent avec les artistes à
travers une quantité d'intermédiaires.
Il m'est souvent plus confortable de
travailler directement avec ceux qui
ont le désir de voir naître une
exposition. Aussi les commissaires
indépendants doivent pour exister
souvent aligner les enjeux artistiques
sur ceux des loisirs ou des médias.
N.B. : Les commissaires indépendants
sont pourtant plutôt de vraies
ressources pour les centres d'art,
dans le sens où ils contribuent à
apporter des idées, des projets, de
nouveaux artistes... Je ne crois pas
qu'ils véhiculent une idéologie en soi.
M.M. : J'évoquais ceux qui
cherchent à monter des expositions
événementielles, là où d'autres
apportent une pensée et adoptent
donc une forme de résistance. La
spécificité des centres d'art est de
mettre en œuvre une programmation
exigeante. Je crains notamment que
le format « Nuit blanche » devienne
un modèle ; une telle opération est
si médiatisée…
N.B. : Même si je suis pour que cela
demeure un format exceptionnel,
force est de constater que la « Nuit
blanche » permet de travailler à une
échelle unique – sans parler de
son impact médiatique. Je ne crois
pas que cela fonctionne comme un modèle, ni que les modèles
d'exposition s'annulent les uns
les autres. Et si la « Nuit blanche »
parisienne s'est exportée, ce n'est
pas dans le milieu de l'art
contemporain mais plutôt du côté
de l'animation ou du spectacle vivant.
M.M. : Comment expliquer aux
politiques qu'un centre d'art qui
fait moins de dix entrées par jour a
un rôle primordial, comparé aux
dizaines de milliers de personnes
que drainent de telles opérations
médiatiques ?
N.B. : Mais « Nuit blanche » n'est pas
une exposition comparable à celles
que produisent les centres d'art.
M.M. : Elle propose une forme
de vulgarisation dont le succès me
semble dangereux.
N.B. : À lire la lettre de mission
adressée le 1er août 2007 à sa
ministre de la Culture et de la
Communication par le nouveau
président de la République française,
c'est vrai qu'on arrive à une exigence
de résultat, difficilement compatible,
si cette exigence est prise au premier
degré, avec l'activité prospective
des centres d'art – qui sont aussi
des lieux de recherche.
M.M. : Ce profit est un résultat auquel
la culture ne doit pas se soumettre.
Cent mille entrées ne doivent pas
remettre en question l'existence
d'une exposition sur l'art conceptuel
des années 1960 sous prétexte
que celle-ci n'aurait fait que mille
visiteurs.
B.A. : De toute façon, cette question
de la récente et croissante
médiatisation de l'art contemporain
(récente en France en tout cas)
aura des conséquences bien au-delà
des centres d'art. « Nuit blanche »
ne me semble être qu'un symptôme
parmi d'autres d'une tendance à
confondre la création et son
accompagnement culturel.
Et cette tendance, on la retrouve
par exemple dans l'importance
grandissante ces dernières années
de l'accompagnement pédagogique
des expositions : les médiateurs !!!
L'autre tendance lourde, c'est
l'instrumentalisation marchande
grandissante de l'art. Les différents
acteurs de la vie artistique que
sont les artistes, les directeurs de
centres d'art, les politiques,
les publics, les galeristes et les
collectionneurs ne me semblent pas
avoir les mêmes attentes, ni
les mêmes visions de ce que peut
ou doit être un centre d'art.
Alors, bien évidemment, il ne doit
pas être facile tous les jours pour
un centre d'art de se positionner
par rapport à ces contraintes
et à ces perspectives divergentes.
N.B. : Mais il y a d'autres manières
de se positionner : pourquoi
ne pas essayer de faire partager à
un maximum de personnes une
exposition d'artistes conceptuels
des années 1960 ? Il y a des
manières de le faire. Il ne faut
pas condamner aveuglément
la communication, dans la mesure
où elle permet à ce type de projet
d'être au moins vu – je n'ai
pas dit regardé. Mais cette première
vision est préalable à tout, à
la sensibilisation, à la formation…
Cela fait partie des missions des
centres d'art.
B.A. : On sait que les artistes ont
une capacité réactive très forte :
plus un contexte nous déplaît, plus
nous sommes amenés à inventer
des manières de travailler
alternatives.
M.M. : C'est vrai. J'ai créé avec
Gilles Drouault la Galerie de
multiples en réaction aux produits
dérivés et autres gadgets que
proposent de plus en plus les
boutiques des musées.
B.A. : Oui et, lorsqu'on a créé
Trouble,
c'est parce que nous n'étions pas
contents de ce qu'on pouvait lire
dans le champ de la critique d'art.
M.M. : Mais la visibilité de
Trouble
est faible si on la compare à
n'importe quelle autre revue d'art.
N.B. : On peut aussi essayer de
dépasser ce cantonnement en se
demandant comment apporter l'art
au plus grand nombre. Je faisais il y
a dix ans sur France Inter une
chronique sur l'art contemporain à
11 heures du matin. Et je parlais
d'une exposition de
Dan Graham,
ou de
Carsten Höller, et cela avait
une réelle répercussion sur la
fréquentation de l'exposition. À
mon grand étonnement, cela faisait
vraiment venir des gens. Après,
ceux-ci se débrouillent ou pas avec
leur propre culture ; l'important,
c'est qu'ils puissent voir les choses,
et qu'ils finissent par trouver
normal d'aller voir des tableaux
monochromes ou des objets
détournés. La communication sert
tout d'abord à cela : rendre l'œuvre
d'art contemporaine aussi banale en
tant qu'objet qu'un livre ou un film.
M.M. : C'est pourquoi la
communication est essentielle aussi
pour les petites structures.
N.B. : Le problème, c'est que, s'il
n'y avait pas « Nuit blanche » par
exemple, les médias de masse ne
parleraient pas du tout d'art ! Il y a
un problème de formatage de
l'information. Comme pour les prix
littéraires ou les foires aux vins,
qui ont le même effet néfaste : il y
a un moment dans l'année où l'on
parle des choses... Avant de les
renvoyer à l'oubli. Les médias sont
devenus extrêmement paresseux,
ils ne produisent plus l'information
mais la cueillent. Or, le journalisme,
c'est aussi ce que faisait Serge
Daney pour le cinéma dans
Libération : montrer les œuvres du
doigt, s'en faire l'avocat, persuader
et condamner. En matière de
culture, cela pourrait aller jusqu'à
inventer l'actualité !
B.A. : Pour revenir à la question de
ce qu'on aimerait trouver dans les
centres d'art, pour ma part, je trouve
qu'il manque une réelle confrontation
entre les générations passées et
les suivantes, par exemple autour
d'une figure historique comme cela
s'est récemment fait au Palais de
Tokyo avec l'exposition de
Steven
Parrino, où l'on voyait à la fois les
sources de son travail et ses
descendants – montrer l'avant
et l'après.
M.M. : Cela me semble être le rôle
des musées..., ce qu'ils font peu.
B.A. : Pourquoi les centres d'art ne
pourraient-ils pas montrer
Malevitch,
comme l'a fait
Thomas Hirschhorn
dans son
Musée précaire Albinet réalisé avec
Laboratoires d'Aubervilliers ? Je ne vois
pas pourquoi les artistes historiques
devraient être cantonnés aux
musées. Cette liberté-là est un terrain
sur lequel pourraient se situer les
centres d'art. Surtout qu'actuellement
règne une certaine confusion des
rôles et des genres entre les foires,
les biennales, les expositions
muséales et celles des centres d'art.
Et même si cette confusion prend
parfois des aspects assez détestables,
elle peut aussi générer des remises
en question intéressantes.
M.M. : Il y a plein de choses à
réinventer concernant les modèles
d'exposition ou à redécouvrir… Il
n'y a pas de mémoire dans le milieu
de l'art, cela permet de renouveler
et de réinterpréter les formes de
monstration.
N.B. : Tous les critères que nous
mettons ici en avant (personnalité
artistique forte, vision personnelle,
pensée...) ne sont pas forcément
ceux qui sont mis en avant par les
politiques. C'est pour cela qu'il est
nécessaire, comme le fait d.c.a, que
soit présent dans chaque jury
de recrutement des centres d'art au
moins un autre directeur de centre
d'art, et dans l'idéal plus de
professionnels de l'art. Dans d'autres
pays, en Suisse notamment,
les directeurs de centres d'art sont
davantage recrutés pour leur vision
artistique, par un jury composé
en majorité de professionnels.
En partant du Palais de Tokyo, nous
avions demandé la parité, c'est-à-dire
que le jury soit composé par des
représentants de la DAP à égalité
avec l'association du Palais de
Tokyo, en l'occurrence des artistes,
et deux intervenants extérieurs…
B.A. : Récemment, j'ai été sollicité
par le Palais de Tokyo pour offrir
une œuvre pour une vente aux
enchères. J'ai un peu hésité parce
que je n'ai pas vraiment l'habitude
de ce genre de choses. Et puis j'ai
accepté parce que je trouve que
c'est une manière concrète et simple
de soutenir un lieu. Je pense que ça
peut faire partie de cette forme
d'engagement – nécessairement
mutuel – dont nous parlons depuis
le début.
M.M. : Je préfère faire un chèque à
l'institution que de donner une
œuvre, car je ne veux pas rendre
mes projets dépendants de ma
valeur sur le marché. La production
pour un artiste entre dans
une économie dont il ne faudrait
pas oublier les réalités.
Les doutes, les essais et parfois
les échecs sont les conditions
sine
qua non de l'apparition d'une œuvre.
Il ne me semble pas sain en France
d'opérer comme cela peut se faire
aux États-Unis où, je vous le
rappelle, il n'existe pas de ministère
de la Culture. Quant au soutien que
les artistes pourraient apporter à
des centres d'art en difficulté,
évidemment qu'on les soutiendrait.
Le fait que les artistes donnent six
mois de leur temps pour un projet
qui ne sera vu que par très peu de
personnes le prouve. L'engagement
des artistes est là, dans les œuvres :
on travaille ensemble pour des
expositions que l'on a envie de voir
ensemble. En ce sens, les centres
d'art ne travaillent pas plus pour
les artistes que ceux-ci ne travaillent
pour les centres d'art.
Entretien réalisé à Paris
le 8 septembre 2007
Boris Achour
Né en 1966 – Artiste
Il vit à Paris où il est représenté par la
galerie G.-P. et N. Valois. Il a notamment
exposé dans des centres d'art en France
(
Villa Arson à Nice, Palais de Tokyo à
Paris, Crac à Sète, CCC à Tours,
Espace croisé à Roubaix, Le Parvis
à Pau, Le 19 à Montbéliard) et à l'étranger
(Kunstverein Freiburg en Allemagne,
Fri Art à Fribourg en Suisse, W139 à
Amsterdam aux Pays-Bas, le centre d'art
contemporain d'Osaka au Japon).
Parallèlement à son travail d'artiste,
il a cofondé et participé à la direction
collective de Public> à Paris (1999-2005),
et a cofondé en 2002 la revue
Trouble,
dont il est actuellement co-rédacteur.
Nicolas Bourriaud
Né en 1965 – Commissaire d'expositions
et critique d'art
Il vit à Londres où il est actuellement
Gulbenkian curator for contemporary art
à la Tate Britain. Il a été cofondateur
et codirecteur du Palais de Tokyo à Paris
de 2000 à 2006. Il a réalisé des expositions
dans des centres d'art en France (CCC
de Tours, Crac de Sète...) et à l'étranger
(Fri Art à Fribourg, San Francisco Art
Institute...). Il a cofondé la revue
Documents sur l'art (1992-2000) et la
revue Perpendiculaire (1995-1998).
Mathieu Mercier
Né en 1970 – Artiste
Il vit à Paris et est représenté par les galeries
Chez Valentin à Paris, Mehdi Chouakri
à Berlin, Minini à Brescia, Lange & Pult à
Zurich et Jack Hanley à San Francisco.
Il a notamment exposé dans des centres
d'art en France (CCC de Tours, centre d'art
de Castres, ferme du Buisson à Noisiel...)
et à l'étranger (Kunstlerhaus Bethanien à
Berlin, Forde à Genève...). Parallèlement
à son travail d'artiste, il a réalisé plusieurs
expositions en tant que commissaire. Il
codirige également la Galerie de Multiples
à Paris qu'il a cofondée en 2002.