Anarchies et non anarchisme. Les ismes émoussent toujours le tranchant d'une vigueur. Ici, celle de l'an-archie au sens de
Rainer Schürmann : d'une origine toujours-déjà disséminée et fracturée ; du principe de l'absence de tout principe directeur pour l'agir comme pour la pensée. Ce qui n'interdit aucunement la sympathie pour les luttes historiques héroïques des prolétaires anarchistes réels : la Commune de Paris (en-deçà de sa « récupération » léniniste), la grève générale de 1906, La Révolution espagnole, mai 68 et les situationnistes… Or une collection «
philosophique » doit véhiculer au moins l'Idée d'une « politique ».
Ces derniers guillemets veulent indiquer ce qui précise la vocation de la présente collection : anarchies, car il n'y a pas « l' » anarchie, en quelque sens que ce soit (pas plus qu'il n'y a « le » chaos). L'anarchie qui règne dans le champ philosophique n'est pas celle de la science, celle des nouvelles pratiques érotiques n'est pas celle de la production artistique, les nouvelles formes d'anarchisme politiques ne relèvent pas de la même « absence de principe » que les tragiques apories contemporaines du droit. La dissémination – fidèle sans affiliation à la différance de
Derrida – ne doit pas être un mot qui, par un tour pervers, subsume à nouveau tout ; elle doit se montrer.
Fidèle – à l'infini.
C'est donc de l'hétérogénéité effective, en abyme fracturé, de toutes ces pratiques et pensées an-archiques, qu'aimerait rendre raison, à sa mesure, la présente collection. Quand bien même dirigée par deux « philosophes » (chacun à sa façon très réservé envers l'assurance que semble aujourd'hui revêtir cette appellation), la collection s'ouvrira donc aux pratiques les plus diverses, les plus excitantes et les plus désorientantes de la littérature, des arts, de la pratique politique, de l'épistémologie ou de l'éthique érotique du présent.
Mehdi Belhaj Kacem et
Jean-Luc Nancy, fondateurs de la collection
Anarchies.