Tazuko Masuyama (1917-2006) est née, a grandi et a passé la majeure partie de sa vie à Tokuyama, un village situé dans le département de Gifu, aujourd'hui submergé par l'un des plus grands réservoirs d'eau artificiels du Japon. En 1977, alors que ce projet de barrage était déjà en préparation, Masuyama a commencé à
photographier son environnement quotidien, des montagnes aux célébrations locales, des réunions de planification à la construction de cet ouvrage. A travers des milliers de clichés, elle a ainsi enregistré pendant près de trente ans la disparition d'un territoire et d'un mode de vie, constituant une archive rare et précieuse sur les transformations d'un environnement naturel par la main de l'homme. Imaginé en 1957, ce n'est qu'en 1977 que le plan du barrage devient réalité pour les habitant.e.s de Tokuyama. Cette même année, Tazuko Masuyama décide de commencer à photographier le village, sa communauté comme son écosystème au rythme des saisons avant sa submersion. Sur les conseils de l'un de ses clients, elle acquiert un appareil automatique, le Pikkari Konica, seul modèle qu'elle adoptera jusqu'à la fin de sa vie. Son geste quotidien de photographier atteste également de son énergie créatrice comme d'une pulsion de vie. « Avec un appareil photo, je deviens folle. Dans l'espoir de photographier le village à l'aube, je gravis la montagne dès 4h30 du matin et j'attends le lever du soleil. Je peux aller n'importe où, qu'il neige ou qu'il pleuve, pourvu que je porte mon pantalon en velours et mes bottes. »