En plus de soixante ans, l'artiste américain Gene Beery (1937-2023) a interrogé avec humour et dérision le moment de l'expérience esthétique. Quels sont les enjeux d'une rencontre entre un regardeur et l'œuvre ? Que promet la surface de la toile à celui qui la regarde ? Beery s'est positionné par des peintures à lire dont les phrases annoncent la venue, l'impossibilité ou l'absurdité d'une telle expérience. Derrière l'apparente légèreté et la distance sarcastique de sa pratique se dégage une réflexion profonde sur l'existence de l'art et le rôle de l'artiste.
C'est en 1960 que l'artiste réalise ses premiers tableaux-textes, œuvres inclassables aux croisements de
Fluxus, de l'
art minimal, de néo-
dada et de l'assemblage. Trois ans plus tard, il quitte New York pour s'exiler dans les montagnes californiennes où il travaille depuis en marge du monde de l'art. Si ses premières œuvres new-yorkaises forment de véritables frondes Anti-Painting, l'artiste étend le champ de sa pratique, dès 1965, à une figuration délestée de toute position idéologique. Il anticipe ainsi les multiples résurgences de la peinture des décennies qui suivront. Oscillant entre phases de figuration, production de livres d'artiste ou de tableaux-manifestes, inventeur de glossolalies et de néologismes, il a assumé un travail pince-sans-rire et des jeux de mots qui tournent en dérision le génie artistique et la vanité du monde de l'art. Sa démarche unique entre en résonnance avec les mouvements d'avant gardes – poétiques et artistiques – des années 1950-1960 autant qu'avec les pratiques artistiques les plus actuelles.