François Dufrêne fut, avec
Bernard Heidsieck, l'inventeur de la
poésie sonore francophone de la seconde moitié du XXe siècle.
Il naît à Paris en 1930. Il adhère au
Mouvement Lettriste en 1946. Il se lie d'amitié avec
Yves Klein en 1950, puis avec
Hains et
Villeglé en 1954. Il découvre en 1957 les « dessous » des affiches lacérées par les passants anonymes, constitués par les empreintes que les couches de papier laissent les unes sur les autres. Il les expose dès 1959, notamment à la Première Biennale de Paris. En 1960, il est invité à créer une « Salle d'Art dit Expérimental » au Salon Comparaisons. La même année, il contribue, avec
Yves Klein,
Tinguely,
Arman, Hains et Villeglé à la fondation du premier groupe
nouveau réaliste (exposition Galerie Appolinaire à Milan) auquel se joindront successivement, pour former le « groupe » définitif,
Spoerri et
Raysse,
César, Rotella,
Niki de Saint Phalle,
Christo, Deschamps. Il a participé à toutes les expositions et rétrospectives de ce « groupe ». Depuis 1973, il montre également – dans le même esprit – des stencils et « dessous » de stencils ainsi que, depuis 1976, des « bibliothèques » en ouate de cellulose marouflée sur toile, d'un effet plastique tout différent. Il a par ailleurs exposé depuis 1977, outre la transcription visuelle (en 30 planches de 100 x 65) des structures sonores de sa
Cantate des Mots Camés, quelques dessins où se décèlent ses antécédents lettristes et son goût du calembour.
François Dufrêne participe à toutes les manifestations du Mouvement Lettriste jusqu'en 1953. Après quoi sa production suit deux directions bien distinctes. Les
Crirythmes ultra-lettristes explorent dans la voie d'un automatisme organique les possibilités vocales d'une musique concrète, forme d'expression fondée sur la spontanéité et sans partition d'aucune sorte, directement enregistrée au magnétophone. Le
Tombeau de Pierre Larousse ou
TPL (1958) et ses
Suites (
Hurly burly-ric Rock,
Récitativo all'italiana...) mettent en oeuvre un détournement des mots du dictionnaire à des fins purement phonétiques.
Les
Comptines et les
Chansons ainsi que les
Inutiles Notules pour l'Optique Moderne de Daniel Spoerri (1963) exploitent, quant à elles, les interférences du son, du sens et du non-sens – ou de leur faux et vrais semblants. Avec la
Cantate des Mots Camés (1977) le but recherché était de faire lever la dimension sémantique sur la base de combinaisons syllabiques obligées. Le poème s'enfante « de lui-même » (il y aura mis plus de cinq ans...) à partir d'une syllabe mère et à travers des contraintes extrêmement strictes, un peu à la façon d'une fugue : chaque syllabe devant trouver son homophonie (à une distance maximale de cinq vers), la syntaxe, réintégrée, se voit toutefois, de par les règles du jeu, réduite à quelques figures. Ici, comme de « raison », la Rime fait de la Cantate son chant de gloire. Il est l'auteur d'un film imaginaire sans écran ni pellicule
Tambours du jugement premier (1952) présenté en marge du Festival de Cannes la même année puis en 1973, à l'Atelier de Création (France Culture), en 1981 dans le cadre de l'exposition Paris-Paris, au Centre Georges Pompidou et, en 1982, dans « Trente Ans de Cinéma Expérimental en France », Centre Georges Pompidou.