Une remise en jeu de l'approche conceptuelle de l'artiste devenu fictionnel et polycéphale Ludovic Chemarin©, qui continue de redessiner les frontières des figurations de l'artiste comme de l'œuvre, de l'exposition comme de l'institution.
Entre octobre 2019 et janvier 2021, Ludovic Chemarin© est invité par Éric Degoutte, Directeur des Tanneries — Centre d'art contemporain d'intérêt national d'Amilly, à intégrer le fil de programmation des saisons Figure[s] et Dis] Play Off [Line sur trois espaces-temps d'exposition successifs. De cette triple invitation est née une trilogie. Avec elle, l'artiste polycéphale révèle ses contributeur.rice.s et leur rend hommage. Il continue ainsi de redessiner les frontières des figurations de l'artiste comme de l'œuvre, de l'exposition comme de l'institution, à travers des dispositifs et registres divers, entre articulations et réarticulations, variations et fugues.
Suivant cette logique, Une Trilogie de Ludovic Chemarin© n'est ni tout à fait catalogue d'exposition(s) ni tout à fait livre d'artiste(s), mais un véritable prolongement de la mise en récit séquencée qui s'est jouée. Entre planches d'archives et points de vue renouvelés, compilations et transfigurations, retours en arrière et nouvelles perspectives, l'ouvrage est le lieu d'une remise en jeu que les textes originaux de Marie Brines et Vanessa Morisset viennent activer.
Ces regards croisés reflètent tous deux le tournant que constitue la trilogie au sein du travail de l'artiste. Ils nous rappellent que dans l'enchevêtrement des gestes, des regards, des espaces, des temporalités, des langages et des niveaux de lecture, l'équilibre sous‑jacent des voix se cherche. Tout autant qu'ils soulignent que dans la polyphonie artistique et expérimentale qui innerve le corps artistique, social et pluriel qu'est Ludovic Chemarin©, c'est tout à la fois l'espoir et le mirage d'une inaliénabilité dans l'altérité qui se manifestent.
En 2005, Ludovic Chemarin décide de mettre fin à sa carrière d'artiste. En 2011,
Damien Beguet et
P. Nicolas Ledoux se proposent de la réactiver en lui rachetant son nom sous la forme d'une marque et l'intégralité des droits patrimoniaux de son œuvre. Ludovic Chemarin© voit ainsi légalement le jour comme une personne morale de droit privé et comme la cheville ouvrière d'une fiction artistique conforme aux codes économiques, juridiques et sociaux du monde de l'art. En produisant des œuvres et des expositions sous cette appellation, Ludovic Chemarin© devient un acteur
critique du réseau institutionnel et du marché de l'art, qu'il infiltre pour en interroger les enjeux et en tester les limites. Dès lors, les conditions de la vie et de la mort des œuvres d'art, l'institution muséale et ses mécanismes, ou encore l'identité et le statut de l'artiste, constituent autant d'axes de recherche d'un projet en perpétuelle autoanalyse. « Faire art sans faire de l'art » : le programme de Ludovic Chemarin© réactualise la critique du système de l'art engagée par les artistes
conceptuels et
appropriationnistes de la fin des années 1960 aux années 1980 et dispose, pour ce faire, d'une panoplie d'attributs, d'outils ou d'usages appartenant à l'artiste contemporain générique.
