Première monographie.
Un important mouvement de la production artistique contemporaine, qu'on pourrait qualifier d'anthropofuge, cherche à désaxer le regard pour l'inviter à voir, ou ressentir, un univers dont l'humanité est écartée, et même tout à fait exclue (citons entre autres Richard Long,
Pierre Huyghe et Raphael Siboni…). Cécile Beau est, parmi la nouvelle génération, une des figures incontournables de ce mouvement, et participe à la découverte d'autres réalités, d'autres échelles.
Outil de référence et de reconnaissance, la monographie
Aoriste, d'inspiration naturaliste, permet de retracer le parcours de l'artiste en mettant en cohérence les grandes tendances de son travail, à travers une sélection rigoureuse des œuvres et leurs éléments constitutifs – matières minérales et végétales brutes, liquides, ondes sonores ou lumineuses ayant subi de légères mutations.
Pour accompagner cette sélection (2009-2021), cinq textes de Sally Bonn, Hadrien Reyre, Bertand Rigaux, Éric Suchère et
Thomas Schlesser ponctuent la monographie. Ces auteur.ice.s proposeront des approches hétérogènes en utilisant le contexte des pièces pour générer une déambulation théorique, fictive, ou sensorielle. Retour d'expédition, inventaire d'une zone singulière, il s'agit d'étudier ces spécimens et ces mécanismes potentiellement naturels. Navigant dans un état transitoire, ce « bestiaire » nous raconte une histoire qui n'est pas celle de l'humain, mais celle d'un substrat, d'une matière en soi.
Composé d'installations où le son, l'image et l'objet entretiennent des rapports étroits et multiples, le travail de Cécile Beau (née en 1978) s'intéresse aux phénomènes trop lents, trop lointains ou trop discrets pour l'échelle de temps humaine. Elle construit une œuvre minimale et sensorielle qui se saisit de la nature et du cosmos comme objet d'étude et de contemplation.
L'artiste déplace temps et espace, propose des territoires intermédiaires, des entre-deux toujours étranges, dépouillés de toute présence humaine. Elle fait intervenir végétaux et minéraux qu'elle mêle à des machineries illusionnistes pour recréer des phénomènes physiques spécifiques. Ceux-ci se voient « activés » dans des écosystèmes prenant la forme de paysages d'une poésie, souvent austères et énigmatiques, qu'elle fusionne en d'étranges hybrides naviguant dans un autre espace-temps… Ainsi il apparaît que l'artiste ne propose pas des scénarios préétablis mais lance des pistes où le spectateur peut se perdre à loisir.