Cette publication conçue par Simon Davies présente une série de dessins exécutés par Cornelissen après un séjour au Svalbard, où il a résidé en 2018 à l'invitation du Centre arctique de l'Université de Groningue, et au cours duquel le centre d'intérêt de son travail s'est lentement déplacé de la mythologie politique à l'écologie.
L'origine de cette œuvre est une installation que Cornelissen a réalisée en 2013 au Korenbeurs de Schiedam, intitulée The Hyperborean Garden. Le terme historique « hyperborée » est la désignation grecque d'un paradis mythique au nord où le soleil brillait 24 sur 24. Au fil du temps, ce terme a acquis une connotation politique nettement moins paradisiaque. En 2016, il décide de consacrer un autre travail à ce sujet et séjourne à Galleri Svalbard, à Longyearbyen, puis à l'invitation du Dr Maarten Loonen à la station arctique néerlandaise de Ny-Ålesund, coordonnée par le Centre arctique de l'Université de Groningue.
Pendant ce séjour, le centre d'intérêt de son travail s'est lentement déplacé de la mythologie politique à l'écologie. L'une des raisons en est simplement que de nombreuses recherches sur le climat sont menées à Ny-Ålesund. Et même pour les scientifiques qui y travaillent dans d'autres domaines de recherche, comme Maarten Loonen qui étudie la bernache, le changement climatique rapide qui se produit dans le Grand Nord influence profondément leurs études. Tout cela a abouti à une série de 20 dessins basés sur les gravures de l'ouvrage de Girard Le Ver, Vraye description de trois voyages de mer très admirables, faits en trois ans, a chacun an un, par les navires d'Hollande et Zélande, au nord par derrière Norwege, Moscovie et Tartarie, vers les Royaumes de China & Catay : ensemble les decouvremens du Waygat, Nova Sembla, & du pays situé sous la hauteur de 80 degrez ; lequel on présume estre Groenlande, où oncques personne n'a esté [...]. L'élargissement aux questions écologiques a permis à Cornelissen d'évoquer les problématiques géopolitiques et écologiques de l'Arctique.
Aigres-doux, les dessins de Ronald Cornelissen (né en 1960 à Beverwijk, Pays-Bas) tirent leur sujet de l'épuisement des représentations d'une société conquérante du monde. Une modernité virile, à bout de souffle et parfois ridicule, portée par des hommes au volant de leur voiture, des hommes absents, vains et cocasses, oublieux des espaces qu'ils ont laissé proliférer avant de les délaisser. Ces espaces que dessine l'artiste sont peuplés de passants enfantins et bodybuildés, d'oiseaux de proie, de baleines légendaires et de grues à l'abandon.
Le travail que mène Ronald Cornelissen porte une forte dimension critique. Pour autant, ce rapport critique est débordé par la dimension affective que l'artiste y imprime. Il y a chez lui un sentimentalisme. Un sentimentalisme certes déçu et maculé par les clichés devenus inopérants des mythologies masculines, urbaines et positivistes, mais un sentimentalisme vivace et profondément punk porté par le rire.Cette relation tragicomique de l'humanité au monde qui l'entoure se fonde dans une attitude musicale où s'entendent les influences d'une culture pop faite de collages et de sampling. Ronald Cornelissen en explore la plasticité à la manière d'un espace mental. Il y puise l'engagement narratif qui donne leur force à ses dessins. Ceux-ci ne sont jamais totalement refermés sur eux-mêmes. L'air et la pluie qui circulent dans les dessins y suggèrent un en-dehors. L'image se poursuit, poussée par l'imagination, mais aussi par nos habitudes. L'œuvre est nourrie par toutes sortes d'histoires et de contes que l'on se transmet de génération en génération. Ainsi, il en va de la production de ces dessins comme de la progression d'une saga ayant abandonné l'idée d'une téléologie. L'histoire se déplace dans le temps à la manière d'un feuilleton dont chaque dessin rend visible les divagations. De même, le trait navigue entre la précision et l'abandon, l'aisance et l'échec à la manière d'une bille de flipper dans un jeu de massacre.