La rencontre entre l'artiste et la philosophe, qui travaillent ensemble à la création d'un espace commun.
Toute rencontre suppose un lieu. Lorsqu'un artiste et un philosophe se rencontrent, le lieu est en règle générale le champ de l'art ou celui de la philosophie. C'est-à-dire qu'elle est toujours le fruit de l'invitation de l'un par l'autre sur un terrain étranger. Il en résulte des échanges asymétriques où la philosophie est convoquée par l'artiste pour servir de support ou de cadre à son discours dans un cas, et où l'art est convoqué par le philosophe pour l'offrir à l'esthétique.
La philosophe Anne-Françoise Schmid et l'artiste Ivan Liovik Ebel ont décidé de travailler ensemble à la création d'un nouveau lieu qui ne soit pas exactement celui de la rencontre asymétrique habituelle. Soit un commun = X. De ce lieu, des matérialités originales pourront émerger qui ne cherchent pas absolument leurs points d'ancrage dans telle ou telle discipline. Leur projet consiste donc à « théoriser » une topographie de l'autre « espace » où se rejoindront les différentes matérialités.
Ce lieu particulier et délicat, incertain dans ses contours, en équilibre toujours précaire, produira les conditions d'une rencontre qui ne prenne pas place sur le terrain connu du dialogue courtois, mais sous une forme originale, sans tradition : une série de textes courts présentés sur deux colonnes et qui, sans s'interpeller ni se répondre tout à fait explicitement, communiquent de manière sensible.
Livre délibérement expérimental, il forge le scénario d'un texte aux lieux flottants, au-delà et en deçà de ses dimensions virtuelles. Il effleure à peine et très discrètement les œuvres, théorèmes de l'âme de l'artiste et de la philosophe.
Originaire de Neuchâtel, Anne-Françoise Schmid (née en 1948) vit et travaille à Paris.
Philosophe parmi les scientifiques (EPFL, INSA, INRA, MinesParisTech) et plus récemment philosophe parmi les artistes, elle a travaillé et participé a de nombreux projets artistiques et expositions, notamment avec Gallien Déjean pour l'exposition Art. 132-75 au Kunstverein Langenhagen en 2019, pour le film
Letre de
Benoît Maire dans lequel elle dialogue avec le philosophe François Laruelle, sur différents scripts philosophiques et lors de collaborations avec Robin Mackay, Benoît Maire, Alice Lucy Rekab, Gallien Déjean et
Ivan Liovik Ebel. Elle donne régulièrement des cours au New Center for Research and Practice.
Spécialiste de Poincaré et éditrice de Russell et Couturat, elle a enseigné la philosophie et l'épistémologie à l'Université de Paris Ouest Nanterre et la logique mathématique à l'Université de Genève. Son problème est la question de savoir comment éviter les exclusions, exclusions de méthodes scientifiques émergentes en science au vu de ce qu'elle voyait dans les laboratoires et centres de recherches, exclusion de philosophies au nom de la suprématie de l'une d'elles. Elle a dans ce but manifesté les hypothèses de l'épistémologie classique (
L'Âge de l'épistémologie. Science, ingénierie, éthique, Paris, Kimé, 1998, réédité en 2019) et en a fait des extensions susceptibles de tenir compte de l'interdiscipline généralisée des sciences contemporaines (en collaboration avec Jean-Marie Legay, biologiste, Muriel Mambrini-Doudet, biologiste, Armand Hatchuel, sciences de la gestion et Nicole Mathieu, géographe). Elle travaille parallèlement à un style philosophique non pas dans mais avec les philosophies dans leur multiplicité (
Philo-fiction, La revue des non-philosophes).
Ivan Liovik Ebel (né en 1983) est un artiste originaire de Neuchâtel. Après des études de graphisme à l'Ecole d'art appliqués de La Chaux-de-Fonds, il a obtenu un Master en pratique des arts contemporains à la Haute Ecole des Arts de Berne. Il vit et travaille depuis 2011 à Berlin. Son travail a été exposé tant en Suisse qu'à l'étranger lors d'expositions personnelles et collectives. En 2015, il est nominé pour le prix Berlin Art Prize et en 2017, il figure sur la liste des finalistes de la bourse Aeschlimann Corti.
Les recherches de Ivan Liovik Ebel s'articulent autour de thématiques liées à l'espace et au temps, et à la relativité de la perception. Il s'attache plus précisément à explorer la notion d'espace intermédiaire. Par ce terme, il décrit des espaces imperceptibles, situés à la frontière du visible et de l'invisible, du dedans et du dehors, du passé et du futur, du matériel et de l'immatériel ; catégories dialectiques, apparemment opposées et hermétiquement distinctes. Dissimulés dans l'épaisseur des dimensions, ces espaces instables, fugaces, nous entourent. Ils font partie de notre univers ; un domaine constitué à la fois du réel et de l'imaginaire, du vécu et du ressenti, et qui cache en son sein de minuscules zones de transferts propices à la remise en question d'espaces concrets familiers. A l'instar de l'instant présent, ces espaces nous échappent, ils glissent et se dérobent lorsque l'on croit les saisir. Comment dès lors les représenter ? Comment stabiliser l'image d'un espace fuyant ? Cette tension entre la volonté de « faire image » et l'impossibilité de la représentation met en jeu des questions primordiales liées à l'art et au désir de représentation dont il découle.