Monographie dédiée à l'ensemble de 70 pièces d'Arnulf Rainer constituant le Fonds Michel Foëx, dont Rainer Michael Mason présente la première étude.
Le fonds du galeriste genevois Michael Foëx constitué par de nombreux travaux de l'artiste autrichien Arnulf Rainer a fait l'objet d'une donation au MAMCO de Genève en juillet. Elle se compose d'œuvres sur papier (lithographie, taille-douce, photographie, dessin) réalisées entre 1966 et 1987. Ce livre, illustré de toutes les reproductions des œuvres données, en est l'étude menée par Rainer Michael Mason, historien de l'art et ancien conservateur du Cabinet des estampes de Genève. Il représente un jalon dans les liens nourris par l'artiste avec l'arc lémanique et témoigne de sa fascination pour l'expressivité de la figure et la symbolique de la croix. Autant de points forts analysés par l'auteur à travers un ensemble d'œuvres étudié pour la première fois.
Arnulf Rainer (né en 1929 à Baden, Autriche) pratique « la
peinture afin de quitter la peinture ». Venu des horizons du
surréalisme, de l'
informel, voire de l'
art brut, il a développé un art du
recouvrement d'œuvres préexistantes
.
Sur des autoportraits photographiques bouffons et tragiques, sur des reproductions de masques mortuaires, résidus de l'expressivité humaine des grands esprits (Goethe, par exemple), sur des images appartenant à l'histoire du dessin et de la peinture (Goya, Leonardo, Van Gogh) et des estampes (
Henri Michaux), sur des toiles signées de grands noms (Miró,
Sam Francis,
Vasarely), sur des croix ou des structures cruciformes (moules primordiaux en Occident de l'œuvre figurative), l'artiste autrichien opère à l'huile, au pastel à la cire, au crayon graphite, quand ce n'est pas tout simplement la pointe sèche qui balaie, laboure et charge à vif la plaque chalcographique.
Habité par un sentiment exacerbé de la corporalité (la sienne propre et celle des autres), « exposé au flot des visages, à l'instar de Louis Soutter », fasciné par les mimiques et les grimaces, le geste artistique d'Arnulf Rainer, accompli dans un flot de paroles excessives que nous ne pouvons qu'imaginer, accompagne ou traduit la colère et la fureur qui l'habite contre le monde et soi-même.
Ces interventions, que subsume commodément le terme allemand d'
Übermalungen, renvoient tant aux matières colorées splendides ou en souffrance et au graphisme fiévreux qu'à ce qui agit intensément sous la surface apparente ou dans les sous-couches où gisent les significations que produisent lentement l'art et ses regardeurs. Créer et détruire, commenter et gauchir, cacher et révéler ne cessent ici de s'engendrer l'un l'autre.