Ouvrage constituant à la fois le prolongement et la finalisation d'une commande passée à l'artiste Eulàlia Valldosera par les membres de l'association Les amis de la maison de la Mémoire du Royans, musée de société fondé à Rochechinard (Isère) en 1979, dans le cadre de l'action « Nouveaux commanditaires » de la Fondation de France.
Ces derniers ont eu l'audace de convoquer une artiste dans le but de les aider à consolider les modalités de transmission propres à leur musée dont l'originalité repose sur la dimension orale. Il s'agissait aussi d'établir une double relation spatiale – circulation dans le musée, lien au site – et temporelle des objets du passé à ceux d'aujourd'hui. Rochechinard. Mémoire d'une maison-musée vient se substituer au projet de renouveau de la maison-musée de Rochechinard imaginé par Eulàlia Valldosera, son étude (2011-2014) n'ayant pu faire l'objet d'une application concrète.
L'ouvrage est structuré en trois parties qui engagent le lecteur dans trois espaces, trois temps. Le premier temps est celui de la visite guidée qui nous instruit sur les objets selon les principes du « classique » catalogue de musée, c'est-à-dire un ensemble de notices ordonnées en fonction des thèmes abordés dans la collection et dans les espaces. Pour certains objets, un récit oral, retranscrit et recomposé à cette occasion, se substitue au traditionnel commentaire scientifique.
Au catalogue avec son traitement graphique spécifique succède l'espace de l'imaginaire et de la recherche avec la présentation du film Avant la lumière (2015) réalisé par l'artiste concomitamment à sa proposition de conversion de la maison-musée en « centre de création et de production de la mémoire » au sein duquel elle proposait « un nouveau rituel du don et de la mémoire ». « La réponse d'Eulàlia Valldosera – écrit Valérie Cudel – renforçait le principe d'oralité et affirmait la notion de maison, matrice de nouvelles investigations. Elle intégrait les acquis, prenait soin de respecter les acteurs et faisait œuvre. »
Le troisième temps de l'ouvrage est celui de l'approche scientifique : la création de la maison de la mémoire et les interrogations de ses bénévoles rejoignent les questionnements des acteurs d'un réseau de musées de société et d'écomusées à l'échelle nationale. Les textes rendent compte d'une réflexion sur la base de cet exemple concret, « premier d'une longue liste d'un cycle d'une société toute entière » (Jean Guibal), amorcée à distance et de visu, à Rochechinard en 2017, avec les auteurs. Une version augmentée, traduite en français à cette occasion, de l'essai de Bartomeu Marí publié lors de l'exposition rétrospective Eulàlia Valldosera. Dependencias au Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, à Madrid en 2009, resitue la réponse de l'artiste et les questions qu'elle soulève dans le contexte de son œuvre.
Eulàlia Valldosera (née en 1963 à Vilafranca del Penedès, Espagne) développe un travail qui selon ses propres mots « démystifie le statut de l'artiste en tant que créateur unique », elle s'envisage « comme une productrice de significations plutôt que productrice d'œuvres ». Depuis le milieu des années 1990, Eulàlia Valldosera a exposé son travail dans de nombreuses institutions internationales parmi lesquelles : la Biennale d'Istanbul et Skulptur Projekte Münster (1997) ; le Musée d'art contemporain de Montréal (1999) ; la Biennale de Venise (2001), la Biennale de São Paulo (2004) et la Biennale de Lyon (2011) ; le Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, Madrid (2009) ; la Fundació Joan Miró, Barcelone (2013) et le Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid (2019).