Cet ouvrage rassemble les
photographies prises par Marion Scemama lors
d'un
voyage à travers le
désert américain avec David Wojnarowicz, peu avant la mort de
ce dernier. Les documents présentés sont issus des archives personnelles
de Scemama et du journal de Wojnarowicz, accompagnés de textes de
Thibault
Boulvain et
Elisabeth Lebovici.
Marion Scemama est photographe-reporter pour plusieurs rédactions
françaises lorsqu'elle part pour New York au milieu des années 1980. C'est
en documentant la jeune scène artistique de la ville qu'elle rencontre
David Wojnarowicz dans le squat des
Piers où il réalise ses
premières fresques. Il l'introduit auprès de ses amis, lui donne accès au
milieu underground new-yorkais. Depuis cette période et jusqu'à la mort de
David en 1992, ils entretiendront une amitié passionnée qui prendra
souvent la forme de collaborations artistiques, Marion réalisant des
clichés ou certains films que David utilise dans son œuvre.
C'est à elle qu'il propose de l'accompagner à San Francisco lorsqu'il doit
y présenter son livre,
Au bord du gouffre, en 1991. Il décide de
rejoindre la ville portuaire par les terres, traverser le désert dans
lequel il a déjà voyagé plusieurs fois seul. Il aime ces paysages, le
sentiment d'extrême solitude qui lui procurent, la jouissance physique et
l'excitation qu'il ressent sur les routes, accablé par le soleil. Lorsque
David écrit à Marion, il sent que le virus du sida dont il est porteur
gagne du terrain, que ce voyage sera probablement le dernier qu'il aura la
force d'entreprendre. Les photographies que Marion Scemama réalise durant
ce voyage sont la trace d'une amitié, et d'un adieu qu'on se dit en
silence, dans un moment où jamais la conscience pourtant claire et profonde
de sa mort ne parvient à restreindre la force vitale, le sentiment de vie
exacerbée qui grandit chez David au milieu de ces paysages désertiques.
Lors de ce périple de plusieurs semaines, Marion réalise une centaine de
photographies qu'elle a tenues jusqu'ici à l'abri des regards. On y suit
les deux amis sur les routes, de motels défraîchis en villages
dépeuplés, dans les paysages sans ombres de la Death Valley, au milieu des
roches blanches de Zabriskie Point dans lesquels survivent les vieux
emblèmes de la mythologie américaine.
Pour accompagner le récit de ce périple, deux textes, écrits par Thibault
Boulvain et
Elisabeth Lebovici, fermeront
le recueil. La contribution de ces auteurs qui sont en France les principaux
relais des recherches actuelles dans le domaine des
queer
studies, permettront d'introduire l'œuvre de David Wojnarowicz
en France où il n'existe à ce jour que la traduction – épuisée cependant
– de son ouvrage
Au bord du gouffre, et où aucune exposition
d'envergure de son œuvre n'a encore été annoncée.
Publié à l'occasion de la rétrospective de David Wojnarowicz,
« History Keeps me Awake at Night », Mudam, Luxembourg, du 26
octobre 2019 au 2 février 2020, et de la rétrospective de
Peter
Hujar, « Speed for Life »,
Musée
du Jeu de Paume, Paris, du 15 octobre 2019 au 19 janvier
2020.
David Wojnarowicz (1954-1992) était un artiste multidisciplinaire, écrivain
et militant anti-
sida, figure éminente du
Lower East Side des années 1980.
Séropositif, Wojnarowicz a souvent eu recours à la photographie, à la
peinture, au collage, à la sculpture et à la vidéo pour s'attaquer aux
problèmes politiques de son temps, principalement liés à l'épidémie
du sida.