Une femme ouvre les volets de sa fenêtre. Une autre souffle un soupir sur une tasse de café. L'avortement d'une rencontre amoureuse se mêle avec la fausse couche d'une révolution, une cigarette s'éteint entre l'index et le majeur. Des histoires minuscules sur la frontière entre le rien et le quelque chose rencontrent ici le bruit et la fureur de l'Histoire des vaincus, et ces pesticides du temps présent : « Il n'y a pas d'alternative ».
Des mauvaises herbes poussent ici et là, elles ont des vertus médicinales, peuvent être comestibles, améliorer la qualité du sol, accueillir ces migrants climatiques que sont les insectes, pourtant on les appelle « folles ». Ce livre rassemble six nouvelles. Le décor est ivre. Affects et concepts, sensations intimes et émeutes collectives, communisme et conseil de jardinage, se tissent les uns avec les autres. Comment continuer là où tout annonce la défaite et la catastrophe irréversible ? Alors qu'on en a plein le dos d'épuisement et de fatigue ? Les mots tremblent, et les gestes aussi.
L'espérance est à marée basse, la lutte continue. Sur deux fronts.
« Il bleu. Comme si le ciel du réel, dupé par ses propres certitudes, baissait pour un instant à nouveau la garde. Comment reprendre le fil d'une métérofolie ? Sans début ni fin, les débuts et les fins sont des points. Ou alors des courbes qui s'ignorent. La colère s'est incrustée dans ma moelle, cette père-version des couleurs m'a bousillé le crâne, maintenant je la laisse me ronger le cerveau comme une mite. Ce n'était pas un événement mythique, dans un futur antérieur impossible, seulement peut-être, un événement mitique. »
Maria Kakogianni est née à Athènes en 1978. Depuis une dizaine d'années, elle enseigne la philosophie, en particulier à Paris 8, Paris-Diderot et Paris-Dauphine. Elle a publié
Printemps précaires des peuples (Divergences, 2017),
Entretien platonicien avec Alain Badiou (Lignes, 2015),
De la victimisation (L'Harmattan, 2012). Elle a également co-signé avec
Jacques Rancière : «
Dialogue précaire » (dans
Le Symptôma grec, Lignes, 2014) et «
Peuple, populaire, populisme : l'usage des mots» (
Debates y Combates, n° 9).