Si la
pornographie, pour certains, n'est pas présentable, on soutient ici que le pornographique est nécessaire, et que c'est même le seul moyen idéal de tenter de penser librement le sens, la valeur de l'art.
Le pornographique est « simplement courageux, clair, limpide, en sa répétition infinie des gestes du sexe au regard : il est lumineux. » Georges Molinié nous mène jusqu'à cette étonnante apologie conclusive avec une remarquable attention. Car le sujet tient visiblement au cœur de cet universitaire dégagé des normes, car il s'agit d'un terrain déjà scruté « sous toutes les coutures », car les réticences du lecteur et de la lectrice sont à prévoir et comprendre. On sait que l'appétit de représentations crues est souvent pensé en relation avec la pulsion de mort, et l'on dit même que le siècle du X fut comme par hasard celui des charniers ; mais, objecte Molinié, n'est-ce pas justement des corps que voulurent « annihiler » les nazis, acharnés à effacer les cadavres mêmes ? Cessons donc de perpétuer les systèmes qui sacralisent abusivement la raison, restons « au ras de l'humain » : c'est là que l'auteur entend rétablir un matérialisme du corps vivant et poser quelques questions.
« On peut se demander quelle envie, quel titillement particulier poussent les intellectuels à travailler la question pornographique : c'est du même ordre (...) que de se mettre à travailler sur l'accusatif en grec homérique ? » Non, car on manifestera toujours « un minimum de réaction physiologique à la chose ». Ce minimum-là, il s'agit alors de lui rendre toute sa dignité, de le prendre infiniment au sérieux : la présence paradoxale qu'offre la pornographie, cet intime qui vient se mêler à l'autre » rien de plus proche, de plus exposé, de plus fragile ; et rien de plus lointain, de plus inaccessible, de plus inatteignible « pourraient être le meilleur moyen de penser l'art. C'est dans cette optique que viennent ici à être délicatement distingués, à la racine de l'émotion pornographique, « et la sensation de voilà l'absolu et le constat de c'est absolument rien que ça ».
Le Matricule des Anges
Georges Molinié (1944-2014) était un philologue français, professeur des universités à l'Université Paris-Sorbonne (Paris IV), spécialiste de stylistique française et de sémiotique.