Une analyse philosophique et textuelle de l'œuvre du créateur du
butō, Hijikata Tatsumi : l'auteur propose une lecture déterritorialisante du danseur et chorégraphe japonais, le reliant à des figures comme Genet ou
Artaud, tout en lui restituant sa spécificité propre.
Hijikata Tatsumi (1928-1986) créateur de l'
ankoku butō (danse des ténèbres) à l'aube des années 1960 au
Japon, révolutionna la notion même de
danse moderne, imposant un univers fantasmatique et transgressif, renversant toute notion d'harmonie ou de beauté chorégraphique. Artiste visionnaire, il accouche d'un corps humain difforme, souffrant, orgiaque et impie, d'une obscénité inacceptable dans une société en pleine normalisation consumériste.
Son style puise à des sources hétéroclites, mêlant onirismes traumatiques de son enfance rurale et mondes artistiques hérétiques qu'il phagocyte et régurgite en une version
érotique et grotesque inimaginable avant lui.
À travers une fine analyse philosophique mêlée à sa propre expérience du poète de la chair – qu'il rencontra dans la dernière période de son activité de chorégraphe – Uno Kuniichi propose une lecture déterritorialisante du génie de l'
Asubesuto-kan, le reliant à d'autres figures hérétiques comme Genet ou Artaud, mais restituant également une specificité subjective de cet artiste japonais hors du commun. La précieuse exploration du « corps-texte Hijikata » que livre ici M. Uno, nous donne accès à un atoll de sens et de cheminements à la fois ouverts et précis. En particulier par son analyse subtile du texte central de Hjikata,
Yameru Maihime (Danseuse Malade). Une approche unique de Hijikata, par un grand spécialiste japonais des auteurs contre-culturels francophones (Artaud, Genet, Beckett, Deleuze) dont il est traducteur et penseur.
« La publication la même année de deux ouvrages sur Hijikata Tatsumi témoigne de l'actualité du
butō et plus largement du Japon. La
collection de Bruno Fernandès permet de découvrir ou de redécouvrir les avant-gardes japonaises du xxe siècle, souvent méconnues en France. Si l'essai de
Kurihara Nanako offre un point de vue sensible, kinesthésique, proche des études chorégraphiques, celui d'Uno Kuniichi adopte un angle philosophique où l'accent porte sur l'articulation entre danse et langage. Grâce à leur vécu et leur imprégnation directe, dans le studio de danse ou à travers leur rencontre avec Hijikata, les deux auteurs offrent des témoignages précieux qui permettent de retraverser avec recul les années créatives du chorégraphe, souvent mystifiées. »
Maëva Lamolière,
Ebisu - Études japonaises
Uno Kuniichi (宇野邦一, né en 1948) est
philosophe, traducteur, essayiste et enseigna à l'université Rikkyō de Tokyo. Il est connu pour ses traductions d'ouvrages majeurs de
Deleuze et Guattari (l'
Anti-Œdipe,
Mille Plateaux), d'
Artaud, de Beckett, de
Genet sur lesquels il a aussi publié des textes de référence et autres essais en japonais, du
Voyage au bout du sens (1985) jusqu'à
La Vie inorganique (2024). Il soutint sa thèse en français sur Antonin Artaud sous la direction de Gilles Deleuze en 1980. La rencontre de Uno Kuniichi avec Hijikata Tatsumi, au début des années 1980, le marqua profondément et continua a émettre des échos dans ses propres recherches sa vie durant.