Le neuvième numéro de la revue d'art et de recherche « rétro-prospective » présente les mille et uns visages de Pierre Klossowski, séminariste résistant devenu exégète du Marquis de Sade, écrivain et essayiste, traducteur d'Hölderlin, de Nietzsche et de Rilke, puis dessinateur à partir des années 1980. Porté à l'écran par
Raoul Ruiz et
Alain Fleischer, l'univers klossowskien, peuplé de faux-semblants, s'expose ici comme un tableau vivant,
érotique et
philosophique.
Cet
Initiales PK, pour Pierre Klossowski, prend la forme, sans doute plus encore que les précédents numéros, d'un portrait gigogne. Où s'enchâssent dans l'entralecement des textes et des images les mille visages de Pierre Klossowski : né allemand en 1905, mort parisien en 2001 ; séminariste à Lyon pendant l'Occupation et signataire en 1947 de
Sade mon prochain ; traducteur (d'Hölderlin, Nietzsche ou Rilke) et romancier, essayiste, scénariste et même acteur (pour Bresson) ; peintre enfin, ou plutôt dessinateur lorsqu'il décide au tournant des années 80 d'abandonner l'écriture pour s'adonner à ses crayons de couleur. Surtout, cette 9e livraison d'
Initiales est l'occasion de retrouver au fil des pages quelques-uns des personnages clés de l'univers klossowskien : Roberte, bien sûr à qui est consacrée la trilogie des
Lois de l'hospitalité et bien plus encore, ou le jeune Ogier de Beauséant qui prête ses traits au
Baphomet écrit en 1965 mais que PK croisera à plusieurs reprises, dans une confusion assumée de la chronologie.
« PK s'intéressait à la plasticité des êtres qu'il rencontrait, projetant sur eux les contours qu'il voulait leur voir, et comme à l'essayage d'un costume qu'il aurait tenu prêt pour eux, chacun des nouveaux venus étant ainsi amené, à son insu, à essayer le rôle laissé par un autre sur la scène du théâtre permanent des fictions et des visions klossowskiennes », écrit à ce propos l'écrivain et cinéaste Alain Fleischer qui consacra trois films et un livre à l'œuvre facettée de Pierre Klossowski.
C'est cette histoire de tableau vivant, de doublures et de simulacres que nous racontent, entre autres, les historiennes de l'art
Marie de Brugerolle,
Marie Canet et
Catherine Grenier, le psychanalyste Hervé Castanet, le commissaire
Pierre Bal-Blanc, l'écrivaine Danielle Mémoire et les artistes Pauline Bastard,
Denis Savary,
Julien Carreyn, Adélaïde Feriot ou
Ed Atkins.
Deux fois par an,
Initiales, revue produite et éditée par l'
Ecole nationale supérieure des beaux-arts (ENSBA) de Lyon, esquisse les contours d'une galerie de « portraits en creux » en s'organisant autour de « figures-source », existantes ou fictives. Des figures d'artistes, philosophes, écrivains, architectes ou cinéastes dont le dénominateur commun est qu'elles ont « fait école » dans leur discipline et au-delà, dans les champs qu'elles ont investis ou traversés. L'œuvre, la pensée mais plus encore les méthodes déployées, les pistes explorées (et parfois avortées) ou les réseaux créés par cette figure de référence servent de sous-texte ou de script à chacune des livraisons.
Réunissant, à partir d'une même figure, une série de contributions centrifuges,
Initiales met ainsi en jeu un usage de la source et une expérience du temps qui ne sont ni ceux de l'historien ni ceux du scientifique, mais qui sont à l'œuvre dans le travail de l'art et qui sont au cœur de la réflexion menée depuis 2004 par le groupe de recherche ACTH (Art contemporain et temps de l'histoire) de l'ENSBA Lyon.
Revue de recherche et de création,
Initiales fait le pari qu'une école d'art est aujourd'hui l'un des lieux les plus aptes à produire et organiser des formes et des pensées nouvelles, susceptibles de venir nourrir le débat et élargir le champ de l'art et de la pensée. A cet égard, c'est une revue d'école, mais dans l'exacte mesure où l'école est un lieu de passage, de rencontre et de collaboration avec de multiples acteurs qui lui sont aussi extérieurs.
Initiales rejoue ainsi en son sein l'hospitalité essentielle et féconde des écoles d'art et s'adresse aussi bien au champ de l'art contemporain et de la création d'aujourd'hui qu'au monde de l'enseignement et de la recherche – et plus largement à toute personne curieuse des opérations à l'œuvre dans la création, la pensée et la culture.
Directeur de la publication et de la rédaction : Emmanuel Tibloux ; rédactrice en chef : Claire Moulène.