Une proposition chorégraphique qui prend la forme d'un livre : le danseur et chorégraphe rend compte des différents rapports au mouvement dans la danse, en s'appuyant autant sur des performances classiques et contemporaines que sur des concepts empruntés aux philosophes, linguistes ou théoriciens de l'art.
En 2007, alors qu'il danse
Set and Reset de la célèbre chorégraphe
Trisha Brown, Noé Soulier découvre avec surprise sa difficulté à interpréter cette danse qui ne présente pourtant aucun problème technique. Il prend alors conscience que sa manière d'envisager le mouvement, issue de sa formation classique, ne lui permet pas de bien appréhender des gestes ou des actions relevant d'autres styles ou pratiques de danse.
Cette révélation est à l'origine de ce livre. L'artiste y distingue plusieurs manières de prêter attention au mouvement en s'appuyant sur une analyse des pratiques chorégraphiques ou de la performance, de la danse classique à
William Forsythe, mais aussi de divers concepts empruntés aux philosophes, linguistes ou théoriciens de l'art.
« Implicitement, j'avais analysé et mémorisé les deux premiers mouvements de la manière suivante : le bras forme une ligne droite qui décrit un arc de cercle vers le bas ; au moment précis où il passe devant le genou, celui-ci se fléchit, puis le tronc bascule d'environ 20 ° vers l'avant, etc. Il était impossible d'exécuter correctement la phrase de
Set and Reset avec cette lecture du mouvement. La suivante fonctionnait mieux : je laisse tomber le poids du bras étendu, le bras entraîne dans sa chute le genou dont le fléchissement fait basculer le torse, et ainsi de suite. »
Danseur, chorégraphe, Noé Soulier articule ici des manières de prêter attention au mouvement en s'appuyant sur une analyse des pratiques chorégraphiques. Il développe ainsi des
focales d'attention : des cadrages conceptuels qui proposent différentes façons d'appréhender le mouvement et le corps. Cette recherche se situe à la frontière ténue entre une pratique artistique qui se concentre sur l'attitude du spectateur et une réflexion sur l'art qui cherche moins à décrypter le sens des œuvres qu'à enrichir les multiples manières d'en faire l'expérience.
Actions, mouvements et gestes est une proposition chorégraphique qui prend la forme d'un livre. C'est une œuvre d'observation qui fait de l'élaboration de différents modes de regard sur le mouvement la danse elle-même.
Noé Soulier (né en 1987 à Paris) a étudié au CNSM de Paris, à l'École Nationale de Ballet du Canada, et à P.A.R.T.S. Il a obtenu un master en philosophie à l'Université de Paris IV - Sorbonne et participé au programme de résidence du
Palais de Tokyo : Le Pavillon.
Noé Soulier interroge la manière dont on perçoit et dont on interprète les gestes à travers des dispositifs multiples :
chorégraphie, installation, essai théorique et
performance.
Dans
Mouvement sur mouvement (2013) et
Signe blanc (2012), il introduit un décalage entre le discours et les gestes qui l'ac- compagnent afin de questionner la manière dont ils collaborent à l'élaboration du sens. Dans
Removing (2015), une pièce pour six danseurs, il utilise des actions motivées par des buts pratiques, tout en voilant ce qui permet l'identification de ces buts, de manière à offrir une lecture chorégraphique de ces actions pratiques. Dans
Petites perceptions (premier prix du concours Danse Élargie, organisé par le Théâtre de la Ville et le Musée de la Danse en 2010) et
Corps de ballet (2014), la tension se situe entre l'intention et le mouvement du danseur. Elle vise à faire apparaître la manière dont l'interprète s'engage dans l'action. Ces décalages et ces tensions internes tentent d'explorer les rapports complexes entre l'intention, l'action, et l'articulation du sens par le corps et la parole. À l'automne 2014, il met en espace un projet pour l'inauguration de la Fondation Vuitton,
Movement Materials.