Un livre de poche de quelque 300 pages qui compile en ordre alphabétique une série de 230 textes courts de Justin Lieberman (en anglais) ainsi qu'un essai de l'artiste (traduit en français) racontant l'histoire d'une installation aujourd'hui détruite et à laquelle les textes étaient originellement liés : « The Corrector's Custom Pre-Fab House ». Les textes au ton sarcastique, que l'on peut lire indépendamment de la sculpture, forment une série de réflexions sur le capitalisme et la culture matérielle, oscillant entre poésie, description d'objets et fiction.
« Le travail de Lieberman n'est pas basé sur un médium particulier – il utilise indifféremment la sculpture, la vidéo, la peinture, l'écriture, l'installation ou l'édition, avec une forte sensibilité dadaïste. La plupart de ses œuvres reposent sur une démarche de collage, assemblage et transformation d'objets trouvés (junk sculpture), et relèvent d'une forme déviante et pleine d'humour noir de la critique institutionnelle. Son travail s'est d'abord focalisé sur les promesses et les mensonges de la culture américaine (le système du vedettariat, les tueurs en série, les goodies, les extraterrestres, les mascottes en tout genre, les films adolescents, etc.).
Mais la pratique de Lieberman a connu récemment un tournant à la fois formaliste et conceptuel. Son travail se construit désormais à partir d'une approche critique des processus économiques contemporains, qu'il s'agisse de ceux qui ont lieu dans la production artistique en elle-même et dans ses relations avec le marché de l'art, ou qu'il soit question plus largement de la circulation globalisée des biens, des humains et des êtres vivants quels qu'ils soient, dans le commerce, la finance, et le tourisme. “Mon travail est un lieu où le capitalisme vient pour mourir”, explique Lieberman, avec la verve qui le caractérise, ajoutant que sa méthode, c'est d'“assembler des ordures”.
Justin Lieberman est un artiste incroyablement productif, non pas au sens où il cherche à répondre à une demande du marché, mais au sens où son travail se mêle de manière organique à sa vie quotidienne : sans cesse, il dessine, écrit, prend des notes, chantonne, fait des sculptures, et recueille des matériaux qu'il réutilise par la suite dans ses œuvres. La première conséquence de cette tendance à la production compulsive est qu'il a créé et accumulé, à mesure des années, une masse considérable d'œuvres. La seconde est que cette masse même rend impossible et – vaine – tout projet de réalisation d'une rétrospective qui serait exhaustive. »
Jill Gasparina
Artiste, auteur, curateur, et enseignant américain, actif depuis la fin des années 1990, Justin Lieberman (né en 1977 à Gainesville, Floride, vit et travaille entre New York et Munich) mène un travail de sape méthodique du rêve américain et subvertit les structures organisationnelles de la société de consommation contemporaine. Avec un sens de la provocation faussement immature, Lieberman
détourne les techniques publicitaires et recontextualise les images issues des médias et de la culture populaire (communication d'entreprise, téléachat, billets de loterie, coupures de presse, prospectus, logos commerciaux...), les recouvre de peinture, les découpe et les réagence pour les réintégrer dans un processus artisanal inventif qui redéfinit le ready-made et transgresse la logique de production industrielle dominante.