En autant de rencontres que de films, Cédric Kahn évoque son travail avec lucidité et sans détour.
« Un cinéma social ? Un autre mot s'impose : populaire. La priorité accordée aux comédiens, la subordination de la forme aux impératifs du sujet, le goût du concret, l'horizon d'exemplarité qui n'arrondit jamais les faits anguleux : tout cela finit par configurer un cinéma populaire. “C'est mon but depuis toujours. Et je ne suis pas sûr de l'avoir atteint. C'est plus facile de faire un film d'auteur radical qu'un film populaire”. Plaisamment paradoxale, l'affirmation est discutable. Mais ne se discute plus si la notion inclut aussi le type de réception désiré par une telle démarche, et qui procède de la quadrature du cercle : s'adresser à tous sans jouer le consensus mou, attirer du monde dans la salle sans recourir aux grossières manoeuvres de séduction populiste des films qui s'arrogent l'étiquette. »
François Bégaudeau
Cédric Kahn (né en 1966 à Crest) entre dans le monde du
cinéma par la voie du montage : à 21 ans, il travaille à ce poste comme stagiaire, auprès de Yann Dedet, sur le film de Maurice Pialat
Sous le soleil de Satan. En 1989, il signe un premier court métrage en vidéo,
Nadir, auquel succède un autre court,
Les Dernières heures du millénaire, en 1990. La même année, il participe à l'écriture du scénario d'
Outremer de Brigitte Roüan. Il co-écrira en 1993 un autre premier « film de femme »,
Les Gens normaux n'ont rien d'exceptionnel de Laurence Ferreira Barbosa.
Cédric Kahn tourne en 1993 son premier long métrage,
Bar des rails, l'histoire d'amour entre un garçon de 16 ans et sa voisine, une jeune mère incarnée par Fabienne Babe. Si le public n'est pas au rendez-vous, la critique loue la fraîcheur et la justesse de ce premier opus, sélectionné à Venise. Comme plusieurs autres cinéastes prometteurs, il tourne ensuite un téléfilm dans le cadre de la série d'Arte
Tous les garçons et les filles de leur âge. Intitulée
Bonheur, cette chronique adolescente bénéficie d'une sortie en salles dans une version longue, sous le titre
Trop de bonheur, avec à la clé le Prix Jean-Vigo 1994. Pour la chaîne franco-allemande, il réalise en 1996
Culpabilité zéro, fruit d'une collaboration avec les élèves du Théâtre National de Strasbourg.
Refusant l'étiquette de « cinéaste naturaliste » qu'on lui a rapidement collée, et fuyant la pose auteuriste, Cédric Kahn se lance alors dans une série d'adaptations qui témoignent d'un bel éclectisme. Il décroche en 1998 le Delluc pour
L'Ennui, d'après Moravia, avec Charles Berling en professeur de philosophie obsédé par Sophie Guillemin. Dans
Roberto Succo, inspiré du livre-enquête d'une journaliste et présenté en compétition à Cannes en 2001, il retrace le parcours du tueur en série italien. Le réalisateur s'oriente plus franchement vers le thriller avec
Feux rouges (2004), adaptation d'un roman poisseux de Simenon. On retrouve le goût du cinéaste pour les personnages qui perdent pied dans cette œuvre sélectionnée à Berlin, et qui offre à Jean-Pierre Darroussin l'occasion de livrer une de ses plus belles prestations.
Avec
L'Avion (2005), Cédric Kahn surprend encore en portant à l'écran une bande dessinée, et en s'aventurant dans un territoire peu exploré par le cinéma d'auteur : le conte pour enfants. En 2009, il revient à un cinéma « adulte » avec le vibrant
Les Regrets (son premier scénario original depuis plus de dix ans), l'histoire de la résurrection d'une passion amoureuse, avec Yvan Attal et Valeria Bruni Tedeschi dans les rôles centraux. Deux ans plus tard, il reste dans le registre dramatique en écrivant (avec Catherine Paillé) et réalisant
Une vie meilleure, au casting assuré par un jeune couple glamour, Guillaume Canet et Leïla Bekhti, en proie à de graves problèmes d'endettement.
Après la vie meilleure, la
Vie sauvage : en 2014, le réalisateur exile Matthieu Kassovitz dans le sud de France, dans un drame portant sur le périple d'un père de famille prêt à tout pour ses enfants, même à les priver de leur mère.