Le livre
Boris Mikhailov – J'ai déjà été ici un jour est le prolongement du film de David Teboul.
Le livre est à la fois un document et un portrait en trois dimensions du photographe ukrainien.
Trois parties le composent en effet, qui se répondent :
– Une préface du critique
Nicolas Bourriaud, puis un texte de François Prodromidès évoquant l'œuvre de Mikhailov, à travers le regard de David Teboul. Ce texte
restitue, de façon presque narrative, le mouvement de l'œuvre du photographe depuis ses années soviétiques jusqu'à aujourd'hui, quand le cinéaste vient le filmer. Il met en scène la rencontre du photographe sous l'œil du cinéaste. Il éclaire également certains aspects des entretiens auxquels il fait référence.
– Le cœur du livre est constitué d'un ensemble de photographies, établi à partir des images du film. Il donne à voir Mikhailov aujourd'hui, face à ses propres
photographies et dans son environnement. Ces images témoignent de façon fragmentaire des entretiens, elles placent le photographe sous l'œil silencieux d'un autre
regard. Le travail éditorial établit une sorte de montage avec les photographies. Un battement animant la lecture, où les pages s'ouvrent sur deux images proches. Elles
recomposent le film autrement et font de Mikhailov une sorte de personnage : elles lui donnent un corps, une présence.
– Place à la parole : la voix de Mikhailov se fait entendre à travers la retranscription des entretiens réalisés par David Teboul. Ils ont été retranscrits en conservant
leur caractère oral. Mikhailov décrit des images – que nous apercevons parfois dans les photographies du livre, mais pas toujours –, il les donne à « imaginer » au
lecteur : c'est comme un second film fait de ses photographies. Les entretiens constituent par ailleurs un véritable document (inédit) sur la carrière de l'artiste, et plus
généralement sur la vie d'un artiste sous le régime soviétique et après la chute. Un témoignage vivifiant sur les rapports de l'artiste et de l'Histoire.
Ils ont été ordonnés de façon à créer une certaine progression dans la lecture : depuis l'ouverture d'une boîte d'anciennes photos dont Mikhailov se demande ce qu'il va
bien pouvoir faire, en passant par la traversée des différentes époques de sa vie, jusqu'à l'intervention de Vita, sa femme, et le dialogue, tumultueux, du couple au sujet de la vie, de
la photographie, de la vérité et des symboles.
Le livre redistribue ainsi la bande-image et le film des mots d'une rencontre avec Boris Mikhailov pour en faire un nouvel objet, singulier – une sorte de prisme où se
donnent ensemble le visage, la vie et l'œuvre de l'artiste.
Le livre n'est pas une monographie de Mikhailov, en revanche son dispositif même fait sienne une question qui traverse son œuvre : comment faire un livre avec des
images, que veut dire « ouvrir un livre » ?
Considéré comme l'un des artistes les plus importants de l'ex-URSS,
Boris Mikhailov (né en 1938 à Kharkov, Ukraine, vit et travaille à Berlin et à Kharkov) interroge la réalité en multipliant les points de vue. Son œuvre photographique, qui accorde au corps une place centrale, possède un caractère documentaire non dénué d'humour et de critique.
Cinéaste, vidéaste et photographe, David Teboul vit et travaille à Paris.