Les textes de Venet : une apoétique appliquée.
La poésie doit être faite par tous, non par un, proclamait énigmatiquement Isidore Ducasse. Bernar Venet la trouve toute faite, partout ou presque : il n'a qu'à se plonger dans les journaux, les publications scientifiques et techniques, les dictionnaires et autres index. Un coup de photocopie abolit le hasard de l'inspiration au profit d'une objectivité assez déplacée – que suffisent à troubler quelques retouches ou substitutions. Le caviardage comme un des Beaux-Arts, la copie mécanique comme antidote au bégaiement des vieilleries poétiques, le reader digest au service du ready-made et vice versa.
On distinguera ces textes, proposés au titre d'une apoétique appliquée, des autres écrits de l'artiste qui relèvent notamment du commentaire de son travail plastique. On les rapprochera en revanche de ses œuvres conceptuelles (1966 – 1970) où le collage, et donc le prélèvement, trouve ses motifs aux mêmes sources. Dans une époque où la science et ses succédanés auront décisivement distancé tous les modes anciens de description du monde et d'usage du langage, sachons gré à B. Venet de s'être attaché à mettre certains de leurs énoncés ordinaires à l'épreuve d'une poésie déshabillée de tout lyrisme superflu.
Conceptuelle, sculpturale et picturale, l'œuvre de Bernar Venet (né en 1941 à Château-Arnoux-Saint-Auban, vit et travaille aux Etats-Unis) se développe depuis près de cinquante ans dans le sens d'une réflexion continue sur l'identité de l'art et les rapports entre expression artistique et savoir scientifique, associant l'incertitude, l'aléatoire et le désordre aux données mathématiques.