Transmettre, défaire, se réapproprier, coopérer, réinventer : la quatrième livraison de la revue annuelle de l'École des Arts Décoratifs prend pour point de départ le constat d'un monde incandescent et abîmé, inégalitaire et inhospitalier, qui ne peut susciter qu'inquiétude et colère de la part des nouvelles générations.
Contrefeu, un titre qui emprunte au lexique de l'urgence face aux événements de ces derniers mois. De la réforme des retraites aux effets dévastateurs de la guerre en Israël/Palestine, en passant par la manifestation de Sainte-Soline contre les méga-bassines, ou les récentes élections européennes puis législatives. Une actualité nationale et internationale qui a trouvé un écho solidaire dans notre école d'art du XXIe siècle, prise à partie entre sa nature institutionnelle et « sismographique » de l'état du monde.
Contrefeu, comme une nécessité pour le comité éditorial de cette revue d'adopter une posture à la fois critique, garantissant l'espace d'un « contrechamp ». De repenser l'École des Arts Décoratifs en réunissant des contributions dans une perspective « intersectionnelle » articulant enjeux féministes, décoloniaux, écologiques. Des pensées particulièrement présentes dans les écoles d'art, à même d'ouvrir des brèches « à partir desquelles résister, critiquer, reprendre espoir, ne pas se résigner ».
Les contributions, comme pour les autres numéros de la revue
Décor, s'équilibrent entre celles des étudiant·es, enseignant·es, agent·es de l'École des Arts Décoratifs, et contributions extérieures. L'ensemble articule étroitement pensée critique, engagement militant, arts et pédagogie, à travers une pluralité de formats, pistes de parole, d'écriture et de lecture. On y retrouve ainsi des articles comme celui de la chercheuse Myriam Bahaffou, des entretiens, comme avec l'artiste visuel Yazan Khalili, une sélection musicale de Faïza Lellou, une proposition de (dé)contournements de l'indexation et la classification des catalogues de bibliothèques, par Laurine Arnould, cheffe du pôle documentaire de l'école et les étudiantes Romane Guet-Frapard et Kenza Ka, une lettre, celle de Victor Andrea González adressée à l'écrivaine Faïza Guène, un poème de l'écrivaine Evelyne Trouillot en dialogue avec les œuvres de Gaëlle Choisne, des productions de jeunes artistes diplômés de l'école – Jeanne Guillet, Juliette Oudot & Agathe Charrel, Yasmina Shahin… – et celles d'artistes internationaux comme Suzanne Husky ou
Alejandra Riera.
Pour donner forme à cette pluralité de voix, la conception graphique a été confiée au studio Officeabc, qui ont fait une proposition en dialogue avec la portée pratique et radicale des contributions. Ils ont proposé un dispositif de lecture des images émancipant celles-ci des textes et vice versa. La navigation dans la revue se fait à partir d'une séquence iconographique produite à partir de l'ensemble des contributions. Les lecteur·rices peuvent de la sorte opérer des lectures en partant des images, ou du texte, et se déplacer de l'une à l'autre. Un objet hybride, entre journal, manuel, vadémécum, tract et manifeste.
« Loin de tout dévoiement ou confusion des genres, l'hétérogénéité des tons et des registres est au contraire pour nous un gage de justesse, dans le double sens esthétique et éthique du mot. Telle aura été notre façon de répondre, depuis notre école parisienne, à la question essentielle que pose l'artiste, architecte et activiste Yazan Khalili dans ce numéro : "comment être juste dans des périodes de changements ou d'événements extrêmes comme maintenant ?" »
Emmanuel Tibloux, directeur de l'Ecole des Arts Décoratifs-PSL
Produite par l'
École des Arts Décoratifs-PSL,
Décor est une revue annuelle dédiée aux grands questionnements et bouleversements qui appellent à une reconfiguration de notre environnement contemporain. La pluralité des approches est au principe même de sa conception et de sa direction éditoriale dont la couverture plante le décor avec un mot représentant un enjeu pour notre temps, à partir duquel un univers se déploie. Création émergente et artistes confirmé·es s'entrecroisent en adoptant des points de vue complémentaires, depuis des champs artistiques aussi divers que ceux du
design, de la
mode et du
textile, du
graphisme, des
arts, de l'espace et de l'image mais également de la
littérature, du spectacle vivant ou encore des
sciences humaines.