L'aboutissement d'un projet pluridisciplinaire développé sur une dizaine d'années, avec lequel Miquel Mont mêle des éléments autobiographiques réels et fictifs pour explorer l'économie des affects.
Avec Biographie#Dissociée, Miquel Mont s'aventure dans un terrain peu habituel et très différent de celui où il avait évolué jusqu'alors, basé sur un imaginaire de peinture qui penche vers la déconstruction, travaille avec des abstractions en l'absence de représentations figuratives en général.
La publication d'ÉL S. A. parachève son projet pluridisciplinaire initié en 2013. Composé d'une performance, d'un film réalisé avec Anne-Marie Cornu, d'une série de peintures – des portraits de membres de la famille de l'artiste – et maintenant d'un livre, Biographie#Dissociée revisite un trauma familial. « À travers tous ces éléments, Miquel Mont affronte le territoire pétri d'affects de son histoire personnelle racontée par le prisme de sa grammaire plastique, nous emmenant dans une danse où chaque fragment, image, mot se fait l'écho d'un ou d'une autre », écrit la critique et historienne de l'art Marion Daniel dans sa contribution à l'ouvrage. « Un jour j'ai voulu comprendre, nous dit Miquel Mont. J'en avais assez d'éviter les blancs, les trous, les bégaiements. D'esquiver les vides et les ruptures. Je suis parti explorer les traces, enfuies sous de multiples couches, intimement incarnées, quarante ans après ce qui est arrivé en octobre 1970 : la mort de mon père dans un accident de voiture, le suicide de mon frère Joaquín onze mois plus tard. J'ai sollicité mes sœurs, mon frère et ma mère. J'ai cherché à étaler nos récits avec leurs versions dissemblables, revoir les images, ressortir les objets, déterrer les sentiments. Je voulais y faire face. J'ai dû me dissocier, emprunter divers chemins à la fois. J'ai tenté de mieux évaluer la dette liée aux disparitions de mon père et de mon frère. »
Le titre, ÉL S. A. – en français, Lui Société Anonyme – fait d'ailleurs référence à la diffraction qui accompagne notre complexe économie des affects dans la famille mais aussi ailleurs. Dans la langue économique capitaliste, une dette a un sens unique, comptable. Elle se paie. Elle impose un plan de remboursement avec tous les détails, oblige à payer les intérêts. Mais pourquoi certaines dettes s'effacent, s'oublient, et d'autres pas ? » Ces flottements du sens, ces déterminations multiples, résonnent dans les interstices, les écarts des différentes langues, le français, le catalan, le castillan, l'anglais et l'euskera, qui ont façonné l'univers de Miquel Mont et s'entendent à l'épreuve de la traduction dans ce livre.
Miquel Mont (né en 1963 à Barcelone) est un peintre catalan installé à Paris. Développant une œuvre raffinée, à la fois sensible et conceptuelle, dans l'héritage et la poursuite de la peinture abstraite et minimale, il questionne la matérialité et le geste pictural, articulant son travail autour de l'objet-peinture, le mur peint, le tableau.
Textes de Anne-Marie Cornu, Marion Daniel, Miquel Mont ; témoignages des frères et sœurs de l'artiste.
Traductions par Peter Briggs, David Kidman, Stephen Maas, Eugenia Mont, Pau Monrós, Miquel Mont.