Il y a cent-cinquante ans qu'Hector Berlioz est pris entre orage et passion, violence et adolescence. Ce livre tient à s'extraire de ces clichés, quitte à s'enfoncer dans d'autres.
Ici, Berlioz est entendu mais sans doute mal compris ; là, c'est moins l'auteur de la
Symphonie Fantastique qui nous guide que le lecteur de Virgile et Shakespeare. Compositeur, certes, mais surtout Voyageur. Il fut LE « Wanderer » français, de Londres à Petersbourg et de Rome à Baden- Baden. Ce livre tient à élever deux murs, dos-à-dos, l'un faiblement fictionnel (d'où surnagent quelques bribes biographiques dont je me défie fort), l'autre improvisé dont les éclats multiples construisent les vies parallèles de Hector Berlioz.
Entre cette double enceinte, Berlioz – comme le
Condamné de Robert Bresson – résiste en se faisant une âme neuve : élaboration d'une nouvelle
musique qui ne doit rien au romantisme ambiant, et tout à l'analyse des Maîtres (Gluck, Weber, Beethoven). C'est une joie de lire, d'écrire, de composer, d'entendre, de faire. Ainsi Berlioz porte en lui la formule inédite, l'inconcevable expérience d'une révolution plus que française et plus qu'européenne : un Départ au-devant des Enfers.
« Un jour, je suis devenu berliozien.
Berlioz et “mon” (?) approche : d'abord, comme un paysan, défricher, comparer. Même ce qui n'est pas comparable. Accumuler ces comparaisons. Les faire décanter. Recueillir le suc.
Berlioz est-il un musicien ? La question peut paraître en effet assez baroque et pourtant ! Berlioz journaliste, Berlioz mémorialiste, Berlioz organisateur de concerts, Berlioz acteur de lui-même. Là-dedans la musique n'occupe peut-être que le quart de son activité !
Berlioz et ses contemporains : nous y voilà ! C'est sans doute par ici que le récit commence.
Écoutez comme la pluie qui tombe un soir d'automne ces noms égrenés, comparés ou congédiés : [...]. »
Réalisateur, scénariste et écrivain, Vincent Nordon (1950-2020), auteur d'une quinzaine de films (dont « Fragments d'un Voyage à Vienne », 1980, « Kol Nidré », 2002 ou « Adieu », France-Japon, 2006) et de deux romans (
La Chinoise Orpheline et
Palpations), ancien assistant de
Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, Michel Fano,
Jean-Luc Godard, Maurice Pialat, Paul Vecchiali et
Marguerite Duras, a collaboré aux revues
Ça/cinéma,
Cinématographe,
Cahiers du Cinéma,
Café,
Musical, etc.