Les dessins du sculpteur français.
« On pourrait dire du travail d'Etienne Bossut que son lieu évident serait l'objet tandis que je crois que le lieu réel de son travail est le moulage, la procédure du moulage. Celle-ci, en l'occurence le moulage, est à envisager en temps que moyen de la sculpture mais aussi en temps que concept, désormais reformulé, refondé par la pratique même d'Etienne Bossut.
On pourrait qualifier le moulage de prise de forme au sens où l'on parle d'une prise de vue en photographie. Cette prise de forme est à concevoir du point de vue de la surface, ce qui montre une contiguïté assez nette avec la question de la photographie, et qui mériterait d'être examinée plus précisément.
Cette prise de forme de surface serait le moulage comme production d'image et plus précisément, dans le mode et la forme de la sculpture, production d'objet image. »
Vincent Pécoil
Après des études à l'école des beaux-arts de Saint-Étienne, Étienne Bossut (né en 1946 à Saint-Chamond, vit et travaille à Rennes) commence une carrière artistique et s'oriente vers le moulage en polyester, technique qui est sa marque de fabrique. Le
moulage (prise d'empreinte pour fabriquer un moule, qui servira ensuite à faire plusieurs exemplaires de la même forme ; cette technique existe depuis la préhistoire) a été longtemps conçu comme une pure étape technique de la
sculpture. C'est Auguste Rodin, à la fin du XIXe siècle, qui va lui attribuer un rôle essentiel dans son
processus artistique (la manière dont se construit la fabrication de ses œuvres).
Le moulage permet la multiplication des objets moulés, et il offre une possibilité presque infinie de changement de matériaux : à partir d'une forme en terre, d'un élément naturel, d'un objet, d'un corps même, on peut fabriquer un moule en sable, en plâtre, en cire, en métal, en résine… et les
tirages (les exemplaires réalisés à partir du moule) peuvent être en plâtre, en porcelaine, en bronze, en plomb, aluminium, plastique etc.
Rodin n'effaçait pas toujours les
stigmates (les marques) de son travail de moulage : les coulures du plâtre, les imperfections, et les
barbes ou
coutures, ces traces de jointure des pièces du moule. Étienne Bossut revendique l'héritage de Rodin, et avec lui de toute une histoire de la sculpture classique et moderne à la fois. Comme Rodin, il laisse les coutures du moule apparentes sur ses moulages, la bavure est sa signature. Bossut utilise donc une très ancienne pratique, mais pour représenter des objets ordinaires, de son quotidien : bidons, fauteuils, chaises, poêles à frire, skis de fond, douilles d'obus, cabanes de chantier, voitures ou matelas pneumatiques. Tous sont moulés et reproduits en résine colorée (il utilise une seule couleur pour chaque forme ou objet). On reconnaît parfaitement les objets, mais l'utilisation des couleurs est troublante. L'artiste s'amuse à créer une confusion entre vrai et faux, il joue aussi à assembler des objets les uns avec les autres, à faire des jeux de mots dans ses titres. A propos de ces œuvres, il aime parler « d'images-objets ». C'est de la sculpture, ça ressemble à un objet, mais c'est d'abord son empreinte, donc une image, une illusion.