Un face à face inédit entre deux grandes figures de la photographie contemporaine pour interroger, à contre-emploi, la dichotomie orient / occident.
Respectivement originaires du Japon et de l'Espagne, Daido Moriyama et Alberto Garcia-Alix se sont tous deux jetés à corps et à cris dans la photographie vers l'âge de
20 ans en prenant pour sujets leurs contemporains, leur époque.
Chasseur d'images dans le Japon de l'après-guerre, Daido Moriyama s'est fait connaître
pour ses prises de vue directes, denses et rugueuses, sur le fil du rasoir. La ville,
vibrante et terrible, est son théâtre d'élection, avec son vacarme et ses flux
incessants, ses clubs, ses juke-boxes, ses bagnoles, ses motos, ses femmes et ses animaux
errants.
Poète, rockeur et matador anarchiste dans l'Espagne d'après Franco, Alberto Garcia-Alix puise son inspiration dans son entourage immédiat. Auteur d'une fresque poétique et poignante, ce photographe à l'âme de biker s'est forgé, depuis les années 1980, un style
inimitable en portraiturant ses proches, acteurs déjantés des nuits madrilènes.
Pour le projet Far from Home, les deux photographes ont choisi de croiser leur vision, leur
tempérament, leur territoire pour interroger, à contre-emploi, la dichotomie
orient / occident.
Daido Moriyama, l'oriental, expose ainsi des vues de la sensuelle Buenos-Aires qu'il a
prise en 2004 et 2005, tandis qu'Alberto Garcia-Alix, l'occidental, propose les clichés
récents de ses errances à Pékin.
Buenos-Aires / Pékin, deux destinations lointaines, deux séjours de courte durée – deux
fois dix jours pour le premier, 55 jours pour le second –, et une occasion de montrer
que persistent, même loin de chez eux, leur écriture, leur style, leur manière de
raconter, d'enregistrer le monde.
Comme saturé d'énergies contraires, le Buenos-Aires dépeint par Daido Moriyama est
ainsi tantôt paisible (clichés d'animaux errants démesurés ou de paysages de rues
désertées) tantôt bruyant et trépignant. Des enfants courent. Des couples s'enlacent
et entament un tango effréné. Un manège tourne à tout vent. Les gradins de la
Bombonera – stade mythique du quartier de la Boca – abritent les ovations d'une foule
en délire.
Le Pékin d'Alberto Garcia-Alix est, quant à lui, majoritairement empreint de sérénité.
Fidèle à ses habitudes, le photographe espagnol s'est attaché à installer la lumière et à
organiser ses images autour de diagonales et de lignes de forces comme pour
composer des « portraits » graphiques de la ville : fragments d'architectures, portions
de gratte-ciel, poteaux et réseaux de télécommunication, arbres dénudés...
Célèbre pour ses portraits de bikers, de toxicomanes, de rockers, d'acteurs porno, mais aussi de stars de la Movida, Alberto García-Alix (né en 1956 à León, vit et travaille à Madrid), qui se présente comme un
photographe de la marge, est considéré comme l'un des plus grands photographes espagnols contemporains.
Photographe japonais majeur de l'après-guerre, chef de file du mouvement Provoke au début des années 1970, Daido Moriyama (né en 1938 à Osaka, vit et travaille à Tokyo) a œuvré à la redéfinition du langage photographique avec des images témoignant de l'évolution des mœurs dans le Japon moderne.