Monographie consacrée à Pierre Paulin, personnage mythique du design français, a traversé la seconde moitié du XXe siècle en élaborant des modes de vie nouveaux, souvent prémonitoires de l'évolution de la société.
À l'orée des années 1960, et à l'heure des bouleversements sociétaux, c'est à la révolution des intérieurs domestiques que s'est attelé Pierre Paulin. Hérault d'un modernisme hédoniste, Paulin conçoit des sièges innovants capturant parfaitement l'esprit du temps : fauteuils en forme d'œuf décorés de motifs fongiques, d'oranges, de pétales, langues, pastilles pour la toux, coquillages, vagues, lèvres entre-ouvertes... Sexy, badin et exubérant sans manquer d'être confortable, le mobilier Paulin est avant tout ergonomique et haut en couleur. Bien que spécialisé dans le mobilier domestique, il fit quelques incursions remarquées dans le design industriel, participant ainsi à la création d'une relation nouvelle avec l'architecture d'intérieur.
« Le siège 577 (la Langue) a bien failli ne pas exister. Quand le patron d'Artifort, Harry Wagemans, l'a essayé, il a manqué de tomber en se relevant. [...] Mais la Langue, Harry n'en voulait pas. Son fils invite alors des copains. Ils passent une soirée assis sur ce siège, le trouvent formidable et affirment que, eux, les “jeunes”, c'est ça qu'ils veulent dans leurs futurs intérieurs ! Le père les écoute et décide de lancer la production [...] Ce fut un succès énorme dans les années 60. »
P. Paulin
Anne-Marie Fèvre est une journaliste et chroniqueuse design.
Élisabeth Vedrenne est critique d'art et journaliste, spécialisée en art contemporain, design et architecture.
Pierre Paulin (1927-2009) eut le privilège d'avoir été, entre les années 1960 et 1975, un des seul représentant du
design français à l'étranger. Paulin utilisait un design lisse, courbe et coloré qu'on assimile souvent, de façon réductrice et fausse, au courant pop. C'est, au-delà de ces formes plastiques, un travail sur la structure : faire un siège en forme de langue (
The Tongue) exige une réflexion et une technique rigoureuse. Il liera, tout au long de sa carrière, rigueur et organique en bannissant l'exaltation et l'exagération. Arrondir les angles et assouplir les lignes sera son mot d'ordre. C'est dans un esprit moderne – de par sa radicalité et son innovation formelle – et fonctionnaliste que Paulin se démarquera de ses pairs et modèles. En 1967, il créé les bureaux de Christian Dior et de Marc Bohan et en 1971 les appartements de Pompidou à l'Élysée, lui assurant une reconnaissance établie. Il dessine pour le Mobilier National, en 1970, et, en 1984, le mobilier et l'agencement du bureau de François Mitterrand à l'Élysée.