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Les paysages urbains de Marie Bovo : plusieurs ensembles d'œuvres inspirées des cultures méditerranéennes, réalisées depuis 2007 à Marseille ou au Caire, qui accordent une large place à l'architecture, avec un essai et un entretien.
Marie Bovo a longtemps photographié l'étrange lumière de la nuit : les néons et les enseignes japonaises, dont les éclats colorés brûlent et trouent l'obscurité, mais aussi la pâle lueur de la Lune et des étoiles. De ces images, les humains sont absents, comme chassés de ce paradis de plages méditerranéennes où l'artiste a installé sa chambre photographique. L'obturateur ouvert dilate le temps, fait cohabiter plusieurs temporalités – celle de la ville des hommes, demeurée hors champ mais dont on devine les éclairages électriques ; celle, plus mythologique, de la nature, de la mer, du ciel et de la terre. Les photographies de Marie Bovo jouent de l'entre-deux, de la dualité, de l'antinomie.
L'artiste présente ici plusieurs ensembles d'œuvres récentes qui marquent un tournant dans son travail en raison d'une plus large place accordée à l'architecture. Dans la série Bab-el-Louk (2006), elle installe son appareil sur le toit d'un immeuble élevé du Caire. Elle braque son objectif vers les maisons en contrebas, dont on ne perçoit que les toits-terrasses en raison du dense maillage urbain. L'artiste photographie cette même vue à diverses heures du jour et de la nuit : la ville est à chaque fois la même et différente. Écrasée par un soleil de plomb aux heures chaudes, elle renaît dans la fraîcheur de la nuit. Ces toits-terrasses, « ce n'est pas encore dehors et pourtant ce n'est plus la stricte intimité de la maison. Ce sont des espaces intermédiaires, des intercesseurs entre les diverses dimensions de la ville », nous dit l'artiste.
Les Cours intérieures (2008) que Marie Bovo photographie dans un quartier populaire de Marseille sont pareillement des espaces intermédiaires entre la rue et la maison. Cette fois-ci, l'objectif est dirigé non plus vers le bas mais vers le haut, à la verticale de ces « puits » où la lumière pénètre peu et où le long temps de pose capture, sous la forme d'un rectangle immaculé, le ciel qui se déploie au-dessus. Il y a quelque chose de la cathédrale et du sentiment d'élévation dans ces images, et le linge suspendu aux cordes apparaît comme autant d'anges baroques. Cette référence à la peinture ancienne se perçoit dans l'intitulé des Grisailles (2010), série réalisée sous les porches qui, dans les mêmes immeubles, conduisent aux cours. Selon un protocole de prise de vue très similaire, ce sont cette fois-ci les plafonds écaillés, au relief lunaire et au moulures blessées, qui témoignent de l'histoire des lieux : ce sont là des habitats autrefois cossus et désormais pauvres, pour lesquels l'artiste évoque « une forme de résistance pasolinienne à l'espace bourgeois ».
Publié à l'occasion de l'exposition éponyme à la Maison Européenne de la Photographie, Paris, de décembre 2010 à janvier 2011.
Marie Bovo (née en 1967 à Alicante, vit et travaille entre Marseille et Paris) développe un travail photographique (mais aussi vidéo) autour du paysage. Elle photographie, sur un mode sériel, les horizons incertains, les états intermédiaires,
les frontières (entre la mer, le ciel et la terre, entre le jour et la nuit, entre la ville et l'espace inoccupé) indéfinissables. Organisés en séries, ses clichés
frappent par leur étrange beauté plastique presque surnaturelle, leur force d'évocation poétique et leurs inspirations littéraires, tout en mettant en jeu des implications géopolitiques ou sociales, profondément ancrées dans le réel.