Tout en proposant un regard sur l'ensemble du parcours de Giacometti, des objets surréalistes aux figures longilignes de la maturité, cette monographie rétrospective s'articule autour de la décennie 1935-1945, période de crise pendant laquelle le travail de l'artiste semble rester en suspens mais chapitre central de sa recherche où les grands principes de son œuvre de l'après-guerre se mettent en place. Les figurines de quelques centimètres de haut, rares sculptures issues de ce moment de transition, auxquelles on reconnaît aujourd'hui une importance primordiale dans l'histoire de la sculpture, y sont particulièrement mises en valeur.

« Je sais que j'ai quelque chose à dire que les autres ne disent pas, et si je continue avec obstination, c'est parce que j'ai la certitude absolue en moi, que je parviendrai à ce que je veux, et que les dernières années n'étaient pas perdues, mais bénéfiques pour moi » écrit Alberto Giacometti à la fin de l'année 1945 à sa mère, juste avant qu'il ne quitte Genève pour retrouver son atelier à Paris. Cela faisait des années qu'il n'avait plus exposé et qu'il ne montrait plus son travail à personne. Bien qu'il poursuivait jour et nuit ses recherches sculpturales dans sa modeste chambre de l'Hôtel de Rive lui servant d'atelier, il ne semblait, en apparence, arriver à aucun résultat tangible. Malgré lui, ses figurines et ses têtes devenaient de plus en plus petites et disparaissaient fréquemment sous un dernier coup de pouce. Depuis son exclusion du groupe surréaliste en 1935, Giacometti avait repris le travail sur le modèle, ce qui lui causait des difficultés auxquelles il ne s'était pas attendu. Tout en revenant à une figuration fondée sur l'étude de la nature, il cherchait un nouveau langage plastique permettant de réaliser une tête ou, comme il le précisera plus tard, de rendre « l'expérience de la vision d'une tête », sans se conformer aux règles convenues de la sculpture.