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La première monographie consacrée à l'artiste photographe française Natacha Lesueur qui développe un travail très cohérent et personnel sur les thèmes du corps, de la nourriture et de l'image photographique elle-même : un parcours visuel complet dans une œuvre dont les développements récents sont aussi désarçonnants que les premières manifestations tout à la fois étranges, inquiétantes et attirantes parce que séduisantes.
Depuis le début des années 1990, l'artiste française Natacha Lesueur invente
un monde éminemment inscrit dans l'époque mais qui appartient aussi et profondément
à la longue durée de l'histoire. Pour ce faire, elle utilise des ingrédients
divers – toutes sortes d'aliments, de parures, de décors, de fantaisies et de
merveilles – qu'elle accommode avec des parties du corps humain pour faire
des images difficilement classables dans l'histoire de la photographie. Car si le
corps, plus souvent celui de la femme que de l'homme, est un élément clé de cet
univers virtuose, il ne permet pas, par exemple, de relier cette œuvre aux pratiques
corporelles aujourd'hui les plus connues et les mieux repérées (celles du body art,
notamment) : quelque chose d'autre est en jeu dans ces « appétissantes » représentations
que les classifications actuelles ne nous aident en aucune manière à
cerner et à épuiser.
C'est ce que montre cette monographie – la première consacrée
à l'artiste – qui propose un parcours visuel complet dans une œuvre dont les
développements récents sont aussi désarçonnants que les premières manifestations
tout à la fois étranges, inquiétantes et attirantes parce que séduisantes. Du dégoût
affleure à même la logique de la séduction, de la violence perle le long de décors
élaborés avec une précision clinique, une fêlure profonde mine ces corps rarement
photographiés dans leur entier car livrés à un morcellement insurmontable : voilà
pour ce monde et ses aspects. Mais il y aussi une grande technicité mobilisée pour
la confection de l'image, une invention qui confère à ces visions construites une
singularité liée à leur étrangeté et leur capacité à surprendre : voilà pour leur
appartenance actuelle à une forme – le caprice – profondément ancrée dans l'art et
son histoire. De la photographie donc ou de son identité éminemment capricieuse.
Historien de l'art et philosophe de formation, critique d'art, commissaire d'exposition et conservateur, Thierry Davila (né en 1963) a été
directeur adjoint du musée Picasso d'Antibes, directeur par interim des musées d'Antibes de 1996 à 2001, responsable du département culturel du musée d'Art contemporain de Bordeaux de 2001 à 2007 et
conservateur au Mamco de 2008 à 2022.
Il collabore régulièrement à Art Press, aux Cahiers du musée national d'Art moderne, à Critique d'art.
Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur l'art contemporain (L'Art médecine (en collaboration avec Maurice Fréchuret), RMN, 1999 ; Marcher, créer. Déplacements, flâneries, dérives dans l'art de la fin du XXe siècle, Éditions du Regard, 2002 et 2010 ; In extremis. Essais sur l'art et ses déterritorialisations depuis 1960, La lettre volée, 2009 ; De l'inframince. Brève histoire de l'imperceptible de Marcel Duchamp à nos jours, Éditions du Regard, 2010 et 2019) ; Uniques. Cahiers écrits, dessinés, inimprimés (en collaboration avec Jacques Berchtold, Nicolas Ducimetière et Christophe Imperiali), Flammarion, 2018.
Thierry Davila est l'éditeur, avec Pierre Sauvanet, aux Presses du réel, du recueil Devant les images – Penser l'art et l'histoire avec Georges Didi-Huberman.