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Susanne Bürner s'est attachée à retranscrire l'histoire des anciennes carrières lorraines d'Euville, et de ses travailleurs, à partir de traces visibles – les graffitis des carriers sur les parois des galeries d'extraction – et invisibles – les récits. Ce livre d'artiste, dont la conception graphique s'est volontairement inspirée des ouvrages d'histoire de l'art des années 1950-1960, constitue un archivage de traces qui appartiennent déjà au passé.
Euville émane d'une commande portée par l'Office de Tourisme et la Communauté de communes du Pays de Commercy (Meuse) dans le cadre de l'action Nouveaux commanditaires proposée par la Fondation de France et du projet de coopération interparcs « Paysage Industriel » qui associe les parcs naturels régionaux de Lorraine, Monts d'Ardèche, Pilat et Vercors. L'ouvrage comporte trois parties distinctes.
Le regard se perd d'abord dans des photographies réalisées par l'artiste de l'intérieur des anciennes galeries d'extraction : parois de calcaire et pierres aux tonalités subtiles, pénombre mystérieuse des passages partiellement remblayés, architectures et lumières irréelles. À mi-parcours, le texte de Pierre Briot et Jean-Paul Streiff retrace la vie quotidienne d'un carrier à partir de témoignages de personnes aujourd'hui disparues. Il constitue un préambule aux photographies des graffitis des galeries ouvrant sur les aspects humains et intimistes de l'ordinaire dans les carrières. Certains montrent une fantaisie joyeuse, d'autres sont propices à la rêverie, la méditation, la réflexion sur leur contexte d'apparition. Le style et les thèmes sont variés : une mystérieuse bicyclette dessinée à plusieurs endroits de la galerie, le dessin sommaire d'une bouteille de vin, une barque diaphane, un homme au chapeau fumant une cigarette, une femme au chignon porté bas, des colonnes de chiffres, des symboles de lutte politique... Chaque photographie fait face à un récit recueilli par Susanne Bürner lors de différents séjours à Euville et aux alentours. Le choix de gros caractères dans la mise en page des micro-récits penche davantage du côté du recueil d'histoires et d'images destinées à cheminer dans les mémoires que de l'ouvrage d'érudition. Le rapport entre le texte et l'image évite la simple illustration au bénéfice de la respiration et de l'écart. Euville déploie de multiples liens visuels, de l'art préhistorique – le dessin reproduit sur la couverture rappelle les nombreux signes abstraits repérés dans les grottes ornées – à l'art et au dessin conceptuels. Enfin, la conception graphique emprunte volontairement aux livres d'histoire de l'art des années 1950-60 leur couverture rigide toilée, le déroulé classique des images – du monument dans son ensemble aux détails – et l'attention apportée à la qualité des reproductions photographiques. Cet emprunt n'est pas anodin puisqu'il s'agit de préserver et donner en partage les propos recueillis, la qualité émotionnelle et esthétique des graffitis voués à la disparition, et leur aura mystérieuse dans l'impressionnant contexte des anciennes galeries d'exploitation.
Frédéric Oyharçabal
Susanne Bürner (née en 1970 à Ellwangen, Allemagne, vit et travaille à Berlin) a étudié à l'École des beaux-arts de Karlsruhe et à l'Université de Californie à Los Angeles. Son travail, régulièrement montré dans des expositions collectives et des programmes de films en Europe et en Asie,
est représenté dans diverses collections publiques en Europe.
Les films et les photographies de Susanne Bürner montrent des situations étranges. Ce qui a lieu est soit absent de la scène, soit flou, éloigné ou dans la pénombre. Les références au cinéma et à la littérature sont présentes dans ces narrations très étudiées qui évoquent souvent des réalités plus profondes, dont les contours échappent à nos perceptions trop rationnelles. Dans certaines œuvres, la tension atteint son comble jusqu'à son achèvement, alors que dans d'autres, elle est à l'état de latence ou imminente. La bande-son participe à l'immersion du spectateur. Son écriture est souvent confiée à des compositeurs. L'architecture est une autre source d'inspiration, elle crée une atmosphère particulière et organise l'espace. La part imaginaire propre à chaque œuvre s'ancre toujours dans des lieux ordinaires – une chambre, une rue la nuit, un jardin, un lieu public, un trottoir, un parc. Susanne Bürner en extrait des scènes qui oscillent entre le vrai et le faux. Elle les retravaille grâce aux diverses ressources techniques propres au cinéma et à la photographie : jeux d'ombres et de cadrages, clairs-obscurs, superpositions, tirages en négatif, profondeur de champs, longs plans séquences, ralentis et trucages cinématographiques.
Le livre d'artiste occupe une place importante dans la pratique de Susanne Bürner du fait de la richesse de ses potentiels en matière d'impression et de conception graphique. Il fait souvent écho à une œuvre précise, mais n'en constitue pas pour autant la présentation ou le commentaire.