Apparue au XVIIIe siècle sous l'impulsion des célèbres fouilles d'Herculanum et de Pompéi, l'archéologie s'est peu à peu constituée en véritable discipline scientifique au cours du XXe siècle. Son objectif se définit comme l'étude des traces matérielles des civilisations et de leur environnement passé, dont les motivations et les interrogations renseignent sur le contexte disciplinaire et sociétal présent. Malgré la précision de ses pratiques et l'apport de méthodes archéométriques, l'archéologie n'en est pas moins, depuis ses origines, une fabuleuse source d'imaginaire ayant inspiré artistes, écrivains et savants.
La ruine s'est affirmée comme motif puis comme genre pictural, de la Renaissance au Romantisme ; parallèlement, le modèle archéologique a connu son essor en littérature notamment avec l'
Arria Marcella de Théophile Gautier et la
Gradiva de Jensen, puis a servi de métaphore à Freud pour traduire la méthode psychanalytique. À partir des années 1960 le cinéma s'est emparé à plusieurs reprises de l'archéologie. Simultanément l'art contemporain est venu puiser un vocabulaire plastique : le
Land Art, l'
Arte Povera ou des artistes comme
Anne et Patrick Poirier, ont ouvert des perspectives nouvelles avec le travail de matières organiques et archaïques, et l'usage de modèles antiques.
Cet ouvrage choral fait dialoguer de façon inédite des spécialistes de l'archéologie, de l'histoire de l'art et de la muséologie, tout en donnant la parole aux artistes et à la philosophie. Il entend prendre la mesure d'un phénomène peu étudié sur les rapports qu'entretiennent les pratiques artistiques et archéologiques. En effet, depuis les années soixante, les artistes se tournent vers leur propre culture matérielle et s'approprient l'archéologie dans sa définition la plus moderne en parcourant scrupuleusement toute la « chaîne opératoire » de sa méthodologie, allant du ramassage de surface à la collection d'objets, en passant par la fouille et la classification typologique, sans oublier son langage visuel (dessin, stratification, carroyage), tout comme ses outils (moulage, photographie, dispositifs muséographiques) : autant de formules empruntées à la science pour parler de notre société et de nos comportements qu'examinent ici plusieurs contributions.
La gestuelle elle-même de l'archéologue et de l'artiste au travail, leur rapport au site, au temps et à l'espace, intéressent cette réflexion pluridisciplinaire et épistémologique : si pour Leonard de Vinci, la peinture, ou plus largement l'art, est
cosa mentale, c'est bien ce « cheminement mental » opéré par l'archéologue et l'artiste, entre interprétation et invention que se proposent enfin d'observer les auteurs.
«
Vertiges des temps crée un trait d'union entre le passé et le présent. Il invite à un feuilletage, à une fouille au travers des strates et des enchâssements des temps. Le travail collectif offre une lecture archéologique des dialogues entre l'antiquité et l'art contemporain au travers d'approches théoriques et critiques très approfondies qui se répondent. L'expertise apportée par les regards des incontournables
Georges Didi-Huberman, Philippe Dagen, Eric Rondepierre,
Anne et Patrick Poirier,
Alain Schnapp, Juliette Singer confère une dimension scientifique à cette publication. L'enchâssement des analyses présentes crée une mise en abyme et une forme de conversation, de dialogue croisé. Ces analyses permettent de documenter le sujet en réflexion sur les résonances entre l'archéologie et les pratiques artistiques actuelles. »
Marie Rousseau,
Critique d'art