S'inscrivant dans une série de publications portant sur des corpus architecturaux singuliers, ce volume, croisant matérialité et territoire, se penche sur trois réalisations en pierre de Gilles Perraudin, militant pour un renouveau de l'emploi de ce matériau.
Ordinaire dans l'histoire de l'architecture et devenue extra-ordinaire, dans le sens d'étrange et incongru aujourd'hui, la pierre est une matière à la fois variée et abondante, au point que Gilles Perraudin propose de rebaptiser notre planète « la Pierre » en accord avec son principal constituant. Deux chais et un kiosque fondent sur la pierre un manifeste de l'archaïsme comme refus des solutions industrielles dans la construction. A leurs logiques globalisantes, technologiques et énergivores, Gilles Perraudin oppose la réalité de la matière, le jeu de la manipulation des blocs, la simplicité constructive, l'emploi de ressources locales, la vérité de l'espace intersection de la matière et de la lumière. Les programmes des trois réalisations se relient à une production non industrielle de produits agricoles sans pesticides ou de matériaux géosourcés, où l'extraction devient production d'espace en fabricant lentement des cathédrales souterraines de pierre, donnant aux carrières une dimension mythologique. Les trois réalisations dessinent un triangle entre Vauvert, Fontvieille et Solan.
A la suite des monographies de
Jean-Patrick Fortin et de
Bernard Quirot, cette publication s'inscrit dans la collection
Trilogie, qui
propose une nouvelle manière d'appréhender l'architecture à travers la photographie, le texte et le dessin. Ni ouvrage de photographie, ni essai d'architecture, elle s'appuie cependant sur l'image et le texte pour restituer, par les moyens propres à l'objet livre, l'expérience d'une déambulation dans une architecture, du contexte au détail. Chaque numéro porte sur un ou plusieurs bâtiments construits dans un même lieu par un même architecte. Après une première partie de l'ouvrage mêlant texte et image, un dernier cahier de dessins architecturaux – plans, détails, croquis – résout les points aveugles laissés à la lecture ou la vision des photographies. Cet assemblage image-texte-plan constitue une première trilogie. La réunion d'un bâtiment, d'un lieu et d'un architecte est la deuxième trilogie.
Le parti pris de laisser une large place aux photographies, bénéficiant de pleines pages dans un ouvrage en grand format, fait de la collection Trilogie un objet à part dans le panorama éditorial français. Ce parti pris rend hommage à la revue japonaise
GA (
Global Architecture), qui rencontra un grand succès auprès des architectes dans les années 1980-1990. Comme pour cette publication, les photographies sont réalisées exclusivement pour l'ouvrage par un grand nom de la photographie d'architecture. La mise en page établit des continuités visuelles et des oppositions entre le contexte, rarement montré dans les publications architecturales, et l'architecture qui s'y implante. La succession des pages rétablit une séquence et un parcours propre au lieu. L'essai donne des clés de lecture telles que les conditions de la commande, la situation géographique des lieux et les intentions de l'architecte. Il replace l'œuvre en perspective sur la scène architecturale contemporaine.
Après des études à l'École nationale supérieure Louis-Lumière et un voyage initiatique au Japon, Luc Boegly décide de se consacrer à la photographie d'architecture contemporaine et patrimoniale en rejoignant en 1988, comme membre associé, l'agence Archipress, première agence spécialisée en photographie sur l'architecture contemporaine. Il exerce son activité de façon indépendante depuis 2002. Il publie mensuellement dans les revues d'architecture françaises et étrangères. Sa pratique s'articule autour de trois axes : photographie d'architecture, d'exposition, ou photographie scientifique, à travers la constitution de corpus de recherche en architecture et urbanisme en collaboration avec des chercheurs (monographies d'architectes et de villes). Il a notamment publié
Trouville (AAM, Paris, 2020),
La Source – Fondation Carmignac (Jean Boîte, Paris, 2019),
Les Architectes de La Défense (Dominique Carré, Paris, 2011).
Architecte de formation, Olivier Namias a étudié à l'école d'architecture de Paris Belleville et au Politecnico de Milan. Après quelques années en agence, il se tourne vers la presse d'architecture et le commissariat d'exposition, avec une prédilection pour les sujets croisant l'architecture et la société, tels ses travaux sur l'architecture et l'électricité (architecture des réseaux électriques parisiens et l'introduction de la lumière électrique dans l'architecture, les paysages de l'énergie). Il a été commissaire de l'exposition
Hôtel, présentée au pavillon de l'Arsenal en 2019, et de l'exposition
Survols, présentée au CAUE en 2018, portant sur la représentation de la ville dans la photographie aérienne.
Depuis 1980, Gilles Perraudin (né en 1949 à Bourgoin-Jallieu) développe dans sa production architecturale, au sein de l'agence Jourda & Perraudin puis de l'agence Perraudin Architectes, une stratégie de projet fondée sur la compréhension et le respect de l'environnement, lesquels procèdent de leur réflexion sur les matériaux et la maîtrise de l'énergie. Il s'intéresse de longue date aux démarches proposant des alternatives à une architecture moderniste appuyant sa diffusion sur des logiques industrielles et consumériste.
Gilles Perraudin étudie l'ingénierie à l'école de la Martinière (Lyon), avant d'intégrer l'école d'architecture de Lyon, dont il refera les locaux en 1987 avec Françoise-Hélène Jourda. Il est lauréat en 1980 du premier concours européen d'énergie solaire passive, et côtoie un temps André Ravereau, fondateur de l'Atelier du désert basé dans la région du M'Zab en Algérie. La construction du chai de Vauvert en 1998 marque un tournant lithique et un retour sur un matériau négligé. Vauvert illustre une conception large de l'environnement, reliant par l'architecture la question agricole et les matériaux géosourcés à faible impact environnemental, illustré par le musée des vins de Patrimonio (Corse), des logements sociaux à Cornebarrieu. Gilles Perraudin partage son temps entre Vauvert et le Sénégal, où il expérimente la construction en terre.
L'Atelier Architecture Perraudin est lauréat du Grand Prix national de l'architecture 2024.