La présentation (sans titre) d'un ensemble de dix-huit œuvres importantes de Fabrice Gygi au Magasin de Grenoble constitue la première exposition de cette envergure consacrée à l'artiste. Elle se devait d'être accompagnée d'un ouvrage dont l'ambition documentaire et analytique puisse pallier l'absence d'imprimé monographique (depuis le catalogue publié en 1996 à l'occasion de la Biennale du Caire).
Auteur de nombreuses performances, projets imprimés et manifestations auto-organisées dans les années 80, Fabrice Gygi a longtemps cherché pour son travail des conditions de présentation et de production que ne lui offraient ni les galleries ni les institutions. Depuis environ cinq ans, son travail s'est pourtant imposé sur la scène artistique internationale, permettant aujourd'hui de constater les points communs qu'il partage avec d'autres pratiques récentes impliquant une dimension sociale et politique, tout comme la singularité d'une expérience individuelle qu'il ne cesse de revendiquer.
L'exposition prend place dans la Rue, c'est-à-dire dans un espace ouvert, d'un seul tenant et volontiers apparenté, ainsi que son nom l'insique, à un espace urbain et public. Peu d'oeuvres se prêtent comme celle de Fabrice Gygi au dialogue avec un tel lieu. Construite autour d'une articulation entre les dimensions du public et du privé, l'exposition organise en effet deux espaces distincts, l'un proche du "forum" ou de quelque improbable terrain de jeu, l'autre évoquant une "commune autonome" ou un camp retranché. Des dispositifs d'accueil du public, rappelant ceux qui sont utiliss dans les fêtes populaires, les soirées en plein air ou les concerts, côtoient ainsi des tentes et des éléments dénotant de possibles usages défensifs ou de contrainte. Paravents, stands, gradins, habitat précaire, structures nomades et architecture temporaire s'associent ainsi pour construire l'image (inqiuétante et ambigüe) d'ne société disposant d'autant de systèmes de régulation qu'il existe de situations de loisir, de jeu et de "liberté".
Yves Aupetitallot & Lionel Bovier (avant-propos)