À travers le cas
Artaud, dont l'histoire
psychiatrique est ici analysée dans les moindres détails, c'est à un véritable réquisitoire que se livre Isidore Isou dans ce texte singulier qui tient à la fois de l'enquête et du pamphlet.
Pour Isidore Isou toutes les disciplines, qu'elles relèvent du monde des idées, des arts, de la culture, de la politique ou des sciences, doivent être réformées à l'aune de la révolution lettrisme. La psychiatrie n'échappe pas à cette critique générale, et aux propositions novatrices d'Isou. Mais ici, la verve du maître lettriste est particulièrement exacerbée : la psychiatrie est comparée à une méthode nazie de destruction de l'homme, dont l'électrothérapie serait l'arme barbare par excellence. Si les années 1970 sont propices à ce genre de critique radicale, la colère isouienne est certainement décuplée par ce qu'il a vécu lors de son passage en hôpital psychiatrique au cours d'un internement forcé en 1968 – où il fit la rencontre du célèbre docteur Gaston Fermière.
« Les défenseurs d'Antonin Artaud n'ayant jamais été des psychiatres, mais généralement des littérateurs ou des poètes, ignorant le domaine de la « santé mentale », et mes textes abordant le problème de ce grand créateur, à la fois du point de vue du plus profond système artistique actuel et du point de vue du plus profond système de psychopathologie et de psychothérapie qui ait jamais existé, je crois que les pages qui vont suivre représentent la meilleure étude parue jusqu'à ce jour sur l'internement de l'auteur des Lettres de Rodez. »
La première édition de ce texte –Â
Antonin Artaud torturé par les psychiatres (les ignobles erreurs de André Breton, Tristan Tzara, Robert Desnos et Claude Bourdet dans l'affaire de l'internement d'Antonin Artaud) – a été publiée par Maurice Lemaître dans sa revue
Lettrisme n° 13 en septembre 1970.
Isidore Isou est né en 1925 en Roumanie ; il a vécu en France depuis 1944 et jusqu'à sa mort le 28 juillet 2007. Il fonde le
lettrisme en 1946, mouvement poétique, graphique et philosophique décisif cherchant à mettre en place une nouvelle esthétique libérée des règles de la poésie et de l'art : « le lettrisme est l'art qui accepte la matière des lettres réduites et devenues simplement elles-mêmes ; et qui les dépasse pour mouler dans leur bloc des Å“uvres cohérentes ». Auteur d'une œuvre abondante et géniale, avec notamment près de deux cents livres et un millier de toiles, qu'il étend, avec sa théorie de la « Créatique », à tous les domaines, aussi bien les arts (poésie, cinéma, théâtre, peinture, roman, sculpture, danse, photographie…) que les sciences économiques, les mathématiques, la philosophie et l'érotologie. Il publie
Le Manifeste de la poésie lettriste ainsi qu'un livre fondateur,
Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, en 1947. Il intervient au cinéma avec son film
Traité de bave et d'éternité présenté à Cannes en 1951, ainsi que dans le genre romanesque avec
Les journaux des Dieux (1950) et
Initiation à la haute volupté (1960). En 1976 une rétrospective de son œuvre est présentée à la galerie Weiller à Paris. Il montre également ses œuvres à la galerie de Paris et à celle de Michel Broomhead en 1989. Le Centre Pompidou à Paris lui consacre une grande rétrospective en 2019.
Voir aussi
Frédéric Acquaviva : Isidore Isou ;
Frédéric Alix : Penser l'art et le monde après 1945 – Isidore Isou, essai d'archéologie d'une pensée ;
Fragments pour Isidore Isou.