Emanuele Coccia analyse la pratique artistique d'Ernesto Neto et sa relation profonde au corps, aux sens, à l'environnement et la communauté au sens large.
À l'occasion de l'exposition Mentre la vita ci respira – SoPolpoVit'EreticoLe, Emanuele Coccia commente la pratique de l'artiste Ernesto Neto et la transformation par ce dernier de l'espace d'exposition en une pièce d'architecture vivante, un lieu d'interaction qui sollicite la participation du spectateur afin d'engendrer un lien profond entre le corps, l'environnement et la communauté au sens large. Coccia explore le potentiel de la pratique artistique de Neto, dans laquelle l'engagement esthétique est partiellement médiatisé par l'utilisation des sens, y compris l'odorat, qui sont trop souvent négligés dans l'acte d'engagement esthétique et qui sont ici appelés à réveiller des souvenirs et des émotions profondément ancrés.
Après Rachel Whiteread par Angelo Antonio Moroni et Pietro Roberto Goisis et Sonia Boyce par Brandon LaBelle, Art on Earth est le troisième d'une dans une série de courts essais inspirés par les projets artistiques spécialement conçus pour la GAMeC au Palazzo della Ragione, un lieu symbolique et historique de la ville de Bergame. Il a été demandé à l'artiste de choisir un auteur qui l'intéresse – chercheur, philosophe ou universitaire – et dont la pensée pourrait être considérée comme la source du projet, afin de trouver un chemin à travers les complexités de l'époque actuelle, en partant de l'œuvre produite mais sans nécessairement s'y arrêter.
Emanuele Coccia (né en 1976) est un philosophe d'origine italienne. Il enseigne à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris. Il a donné des conférences et des cours dans plusieurs universités, notamment à Tokyo, Buenos Aires, Amsterdam, Harvard et Columbia, et a collaboré à de nombreuses expositions d'art en France et en Italie. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, traduits en plusieurs langues, qui proposent une réflexion originale et novatrice sur la vie, dont La Vie sensible (2018), La Vie des plantes (2019) et Métamorphoses (2021). Il est chroniqueur à Libération et collabore avec Le Monde et La Repubblica. Il codirige, avec Emmanuel Alloa, Emanuele Quinz et Antonio Somaini, la collection Médias/Théories aux Presses du réel.
L'artiste brésilien Ernesto Neto (né en 1964 à Rio de Janeiro, où il vit et travaille) est reconnu pour ses grands environnements expérimentaux et interactifs qui altèrent radicalement la perception de l'espace et des sens chez le spectateur / participant. Ses travaux s'appuient sur un choix réfléchi des matériaux, une simultanéité des structures internes et externes, un contraste entre l'organique et le mécanique, ainsi qu'une forme de sensualité. S'inspirant de la sculpture minimaliste, de la Nouvelle objectivité brésilienne des années 1960 et 1970 et de l'architecture anthropomorphe, Ernesto Neto développe des installations qu'il qualifie lui-même d'organismes vivants transgressifs.