Pia-Noise (CD)

Masami Akita arpente depuis plus de quarante ans les territoires de la musique noise, dirigeant toutes sortes d'instrumentaria analogiques ou numériques, instrumentales ou logicielles. Pour ce disque, il s'est appuyé sur sa combinaison privilégiée, un mélange de diverses pédales d'effets et de générateurs de bruit.
Nicolas Horvath est un pianiste d'une sensibilité exceptionnelle. Grand connaisseur du répertoire classique, il est aussi fondamentalement curieux et multiforme, comme en témoigne sa capacité à sauver des œuvres et des compositeurs de l'oubli, à les défendre sur scène et à les enregistrer patiemment et méticuleusement. Nicolas Horvath improvise et compose également de la musique électronique. Depuis le début des années 2000, il est actif sur la scène expérimentale et underground sous de nombreux noms différents, notamment Dapnom. En 2020, il sort un album dark ambient sous son propre nom, en collaboration avec Lustmord : The Fall, un duo pour piano et musique électronique qui réécrit / déconstruit l'une des premières œuvres minimales de l'histoire, November de Dennis Johnson.
Une collaboration avec Merzbow avait déjà été envisagée il y a une quinzaine d'années. Au milieu d'un isolement forcé, il était d'autant plus tentant de se rencontrer symboliquement, à la manière du World Wide Web. PiaNoise est en réalité un projet né de la crise sanitaire et du confinement, réalisé depuis différents lieux dans une période d'incertitude. Les deux artistes ont ainsi projeté leurs inquiétudes face à la crise et au désastre écologique actuels.
La musique produite prend la forme d'une lutte constante entre, d'une part, la libération continue d'énergie de Merzbow, ses sons saturés, ses masses, ses stridences, ses granulations puissantes, ses textures environnantes et son chaos rythmique organisé, et de l'autre, la musique de Nicolas Horvath, des improvisations tantôt lyriques, tantôt harmoniques, toujours profondément ancrées dans sa culture classique et son panthéon personnel (Scriabine, Satie, Stockhausen), comme le souvenir d'un âge d'or à jamais perdu, mais durablement ancré dans notre esprit, une réminiscence onirique pour nous garder vivant par tous les moyens. Les deux lignes musicales continues se heurtent souvent et semblent même s'ignorer de temps en temps, mais elles se rencontrent et se complètent également, permettant aux compositions de respirer. Cette confrontation génère une grande opulence sonore appelant à une forme d'écoute extrêmement active. Au milieu d'un naufrage mondial et d'une période de bouleversements, deux artistes parviennent encore à communiquer d'un radeau numérique à l'autre, et à rendre la poésie d'un instant.