les presses du réel

Mouvement n° 79

extrait
Édito

Cet été, au plus fort de la lutte qui oppose la Grèce à ses créanciers européens, Aléxis Tsípras demande la suppression de l'exonération fiscale totale dont bénéficie la marine marchande du pays. Il réussit, surtout, à se mettre à dos les grandes familles d'armateurs grecs (8% de la flotte marchande mondiale, 5% du PIB). Dragués par tous les bords, ces notables de la mer menacent de changer la couleur de leur pavillon si la mesure est adoptée. À l'heure du dumping fiscal, les promesses d'optimisation valent tous les mots doux.

Mi-août, sur la mer Égée, des garde-côtes grecs sont filmés par des pêcheurs turcs en train de couler une embarcation de migrants voulant rejoindre l'archipel du Dodécanèse. L'île de Kos est devenue, depuis le début de l'année, une porte d'entrée privilégiée pour des dizaines de milliers de réfugiés fuyant la Syrie vers l'Europe.

La mer Méditerranée, à la manière d'une loupe, révèle les inégalités générées par une mondialisation à deux vitesses.

Sans odeur, couleur, ou nationalité, les flux financiers traversent les frontières, sous différents visages, parfois sous le manteau. Les milieux artistiques ne font pas exception à la règle : dans un contexte de régulation accrue, le marché de l'art – où le liquide et l'anonymat sont rois – pourrait devenir un nouveau paradis pour les comportements financiers délictueux. Pour Mouvement, César Michel a enquêté sur le fonctionnement du blanchiment d'argent et de fraudes fiscales sur ce marché.

Les hommes, eux, ne jouissent pas tous de cette liberté de déplacement. En témoigne le travail photographique mené par Samuel Gratacap au camp de Choucha, en Tunisie, que nous exposons dans ce numéro.

Ici comme ailleurs, artistes et professionnels de l'art tentent, à leur échelle, de faire bouger les lignes. À Sarajevo, un nouveau souffle se cherche pour dépasser la situation kafkaïenne héritée de l'après-guerre. Le réalisateur Miguel Gomes, à travers son cinéma militant horsnorme, dénonce les violentes politiques d'austérité imposées aux Portugais. Antoine Laubin et Thomas Depryck mêlent théâtre et sciences sociales pour réveiller les esprits. Peut-être parce qu'eux non plus, ne sont pas épargnés par l'exacerbation de la compétition induite par nos sociétés contemporaines.

Aïnhoa Jean-Calmettes & Jean-Roch de Logivière Photographie


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